Avant Mémoires de nos pères, Les nus et les morts (titre magnifique par ailleurs) était le film de référence sur la Guerre du Pacifique. Ici, à travers trois hauts gradés (joués par Aldo Ray, Clift Robertson et leur supérieur joué par Raymond Massey) ainsi que leur garnison de soldats, on va assister à une bataille fratricide contre les Japonais afin de reprendre une des îles de l'archipel.
Le film a connu plusieurs soucis qui le rendent plutôt méconnu ; il a été produit par la RKO qui était alors en pleine débâcle, et sera repris sans grand entrain par la Warner qui non seulement coupera plusieurs scènes au grand dam de Raoul Walsh, mais l'enterrera plus ou moins à sa sortie, le rendant encore invisible de nos jours. Je pense que c'est d'une part le portrait fait de ces soldats qui se montrent moins héroïques que prévus, et qui ne sont pas toujours montrés comme loyaux, comme le duel souterrain entre Massey et Robertson). D'autre part, il montre le quotidien pas toujours flamboyant de ces héros pour la nation, notamment dans le respect vis-à-vis de la gent féminine, qui acceptait quasiment de coucher avec ces hommes (ou de leur faire plaisir via des danses exotiques) au nom de leur confort, quand bien même il y a la peur constante que leurs épouses puissent les tromper alors qu'elles sont en Amérique.
Raoul Walsh montre un côté plus frontal de la guerre avec des scènes assez spectaculaires, et une très bonne idée que reprendra Eastwood dans son diptyque sur Iwo Jima : celui de ne jamais montrer, ou quasiment, le visage des (soi-disants) ennemis, car on sent que c'est plus contre eux-mêmes, et leurs différences respectives que se battent ces hommes.
Le film n'est pas tout à fait à la hauteur de Aventures en Birmanie, mais il y a quelque chose de presque inhabituel à déployer la guerre de façon, presque anti-héroïque, ce qui le rend admirable dans un sens.