Je pense que nous avons de sérieux ennuis. Je ne sais pas comment ça a commencé ni pourquoi, mais je sais que c'est là et que nous serions fous de l'ignorer... La guerre des oiseaux, l'attaque des oiseaux, la peste... appelez ça comme vous voudrez. Ils se rassemblent quelque part hors de la ville et ils vont revenir. Vous pouvez compter là-dessus... À moins que nous ne fassions quelque chose dès maintenant, à moins que nous ne mettions Bodega Bay sur la brèche, ils... Mme Bundy a dit quelque chose au sujet de Santa Cruz, à propos de mouettes qui s'étaient perdues dans le brouillard et puis qui avaient volé en direction des lumières... Fabriquons notre propre brouillard... Nous pouvons utiliser des pots fumigènes de la même façon que l'armée.




C'est ainsi que mon périple Hitchcockien a débuté



1963, voilà plus de quarante ans que le génial Alfred Hitchcock inonde le cinéma de sa vision cinématographique unique. De nombreuses années durant lesquelles le cinéaste n'a rien perdu de sa superbe. Pour son 48e long-métrage, il signe une pièce unique en son genre qui va une fois encore surprendre son monde pour mieux le retourner et le faire frissonner. Un thriller horrifique haletant tiré d'une nouvelle de Daphné du Maurier (auteur de Rebecca également adapté par le maître du suspense) que Hitchcock avait initialement prévu d'adapter en une série télévisée. Il changea d'avis lorsqu'un article journalistique voyait le jour autour d'une véritable attaque d'oiseaux ayant eu lieu dans son pays. Un article qui rappela au réalisateur qu'il ne s'agissait pas que d'une fiction et qu'il y avait là un potentiel à véritablement creuser. C'est ainsi qu'il demanda au scénariste Evan Hunter d'adapter la nouvelle en ne conservant finalement que le titre original : « Les Oiseaux ».


Les Oiseaux est le premier long-métrage d'Alfred Hitchcock que j'ai eu l'occasion de voir alors que je n'étais encore qu'un bambin. Une œuvre qui dans mes souvenirs ne m'avait pas du tout fait peur. Pire encore, je le trouvais terriblement long et ennuyant. Si bien, que je me suis fermé durant plus de dix ans aux films estampillés "Hitchcock". Ce n'est qu'après ma majorité que j'ai finalement décidé de donner une nouvelle chance à ce titre dont je ne gardais que de très légers souvenirs déformés. « La claque fut instantanée ! » Certainement étais-je à l'époque trop jeune pour apprécier à sa juste valeur ce phénomène de l'angoisse, moi qui à l'époque ne jurait qu'à travers des titres comme "Predator"(John McTiernan), "Aliens"(James Cameron), "Les Dents de la mer"(Steven Spielberg), "Evil Dead"(Sam Raimi), ou encore "The Thing"(John Carpenter). Un nouveau visionnage totalement bienvenu qui eut sur moi l'effet d'une bombe. Un grand film d'angoisse qui me procura un véritable frisson d'épouvante. Le début de l'aventure « Alfred Hitchcock ».


Les oiseaux est un film singulier, sinistre, pessimiste et certainement la proposition la plus expérimentale d'Alfred Hitchcock. Un récit post-apocalyptique effrayant où des oiseaux attaquent sans aucune explication rationnelle et de manière parfaitement synchronisée la petite ville de Bodega Bay situé en Californie. Un film d'invasion riche en suspens qui avec un savoir-faire déroutant va mettre en place une atmosphère anxiogène pour des moments de tension incroyables. Hitchcock assume son statut de maître du suspense en proposant une lecture phénoménale de la « peur ». Un sentiment d'angoisse que le cinéaste va approfondir en offrant une lecture vaste et maîtrisée de cette émotion primitive. Un cheminement d'une rare intelligence où les subtilités se confondent pour offrir un bal d'expressions de stupéfaction. L'effroi dans toute sa mesure. Yeux écarquillés de terreur. Sentiment de vertige dû à l'oppression. Paralysie angoissée. Perte de la raison... Une large traduction de la terreur savamment mise en scène par le biais d'une technicité édifiante.



Je ne suis ni pauvre, ni innocente.



Une technicité irréprochable d'un niveau encore incroyable à ce jour. Une prouesse technique ayant du composée avec son époque pour offrir des subterfuges dignes de ce nom. La difficulté première étant de mettre en boîte de manière suffisamment crédible et lisible des milliers d'oiseaux. Une complexité d'envergure nécessitant pas moins de trois années de préparation, qui va conduire le duo Lawrence A. Hampton et Ub Iwerks à créer des effets spéciaux innovants avec la pratique du sodium. Ajoutons à tout cela des centaines et des centaines d'oiseaux en partie factices et d'autres réels dressés pour l'occasion. Certains oiseaux dressés à charger eurent le bec attachés pour ne pas blesser les comédiens, c'est pour vous dire l'implication de ceux-ci. La musique est intégralement remplacée par des effets sonores ingénieux composés de multitudes de cris d'oiseaux. Un choix audacieux d'une efficacité redoutable que l'on doit à Bernard Herrmann, qui nourrit en frayeur l'environnement observé. S'ajoute la superbe photographie de Robert Burks, associé à la direction artistique remarquable de Robert Boyle, sur les superbes décors austères de George Milo, que les costumes de Virginia Darcy finissent de compléter.


Des qualités indéniables que le cinéaste va savamment réunir à travers une réalisation qui va enchaîner les séquences notables. On se régale de la traversée du lac avec la première attaque d'un volatile. La charge du goûter d'anniversaire où les enfants sont les premiers visés. La sortie de l'école avec les corbeaux en sentinelle qui fatalement attaquent les pauvres jeunes élèves. Un génie de mise en scène est tout du long observé jusqu'à atteindre un éclair de génie supplémentaire lors de l'assaut sur la ville. Particulièrement lorsque la station essence prend feu. En ce moment, la caméra s'arrête sur trois plans fixes continus où l'on voit l'actrice Tippi Hedren figée dans la terreur devant le sinistre annoncé. Le final orchestré dans une maison barricadée représente à mes yeux le chapitre parfait. Un huis clos étouffant. Le cinéaste joue terriblement de l'oppression avec ses protagonistes autour d'une longue et silencieuse scène stressante annonçant le calme avant la tempête. Ce grand silence tue les personnages et met à mal le spectateur qui se sent étouffé. Une atmosphère irrespirable jusqu'à l'écrasante, bruyante et accablante charge des volatiles qui transforment alors le récit en véritable enjeu de survie horrifique. Du pur génie !


Tippi Hedren dans le rôle principal de Mélanie Daniels offre une incarnation formidable. En tant que richissime héritière victime de son comportement insoumis elle amène une véritable dynamique au récit. Une proposition viscérale qui trouve sa force lors des moments terrorisants. Rod Taylor sous les traits de Mitch Brenner est excellent. Du haut de sa carrure imposante avec son visage charmeur, il fait preuve d'efficacité lors des scènes d'action. Suzanne Pleshette est magnifique dans le rôle d'Annie. J'aime beaucoup la relation ambiguë qu'elle entretient avec Mitch. La comédienne est tout autant intéressante que Tippi. Veronica Cartwright dans le rôle de la petite Cathy Brenner fait du bon boulot malgré son jeune âge au moment du tournage. Enfin, vient la formidable Jessica Tandy, la mère de famille des Brenner, qui est vraiment au top. Une belle distribution idéalement dirigée par Alfred Hitchcock qui tire le meilleur de son casting.



CONCLUSION :



Les Oiseaux est un thriller d'épouvante post-apocalyptique réalisé par l'illustre Alfred Hitchcock, qui livre une pierre angulaire impressionnante du cinéma d'horreur. Une angoisse savamment conduite par une réalisation intelligente qui va concilier avec un savoir-faire déroutant le fond et la forme pour un résultat fascinant. L'exploitation de la peur à travers un suspense édifiant pour une atmosphère anxiogène rare et brillante. La traduction d'un art intelligemment modelé pour une distribution qui tout du long nous régale. On ne peut que rester bouche bé devant tant d'efficacité.


Une véritable leçon de cinéma qui malgré l'âge ne prend aucune ride. Un chef d'œuvre !



Il a un client qui a tué sa femme de six balles dans la tête. Six balles, tu imagines un truc pareil ? Je veux dire, même deux balles ce serait en faire trop, tu ne trouves pas ?


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le 22 juin 2019

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