L’histoire
Une écrivaine communiste au caractère bien trempé rentre dans un salon de thé et tombe sur un intello chrétien tout en réserve... Cela a beau commencer comme une blague, c’est l’histoire vraie de C. S. Lewis (auteur de Narnia) et de Joy Davidman. Leur relation commença en 1950 par un échange épistolaire, avant qu’ils se rencontrent en 1952 en Angleterre, et que leur amitié se transforme en un mariage. Une compagne dont Lewis écrivait :
She was my daughter and my mother, my pupil and my teacher, my subject and my sovereign ; and always, holding all these in solution, my trusty comrade, friend, shipmate, fellow-soldier. My mistress ; but at the same time all that any man friend (and I have good ones) has ever been to me. Perhaps more.
La grande qualité du film ne réside pas dans ses péripéties ou son dénouement, que je connaissais déjà. C’est un grand film parce qu’il est une méditation sur l’amour et la souffrance, les barrières dont on s’entoure et le don de soi-même, la fidélité conjugale et la maladie... Je cite ici la conclusion du film :
Why love if losing hurts so much ? I have no answers anymore, only the life I’ve lived. Twice in that life, I’ve been given the choice. As a boy, and as a man. The boy chose safety. The man chooses suffering. The pain now is part of the happiness then. That’s the deal.
Ce qui est offert au spectateur est d’autant plus impressionnant que les faits sont réels, et semble-t-il bien transcrits. Lewis a en effet consacré un livre entier à cette relation. En plus de cela, les scénaristes ont pu s’appuyer sur la correspondance des deux protagonistes, les témoignages de Warren Lewis (frère de Clive) et de Douglas Gresham (l’un des deux fils de Joy). S’il y a des écarts avec l’histoire – absence de David Gresham, lune de miel qui eut lieu en Grèce, chronologie semblant un peu tassée – on est donc assuré de la fidélité de la narration, dans l’esprit comme dans certains détails (p.ex., quelques répliques sont des paraphrases d’écrits de Lewis).
Petite insatisfaction personnelle : je trouve que l’accent est beaucoup mis sur la maladie. Chose légitime puisque c’est le moteur dramatique du récit et l’une des grandes épreuves du couple Lewis, si ce n’est la plus grande. Mais le scénario relègue la dimension spirituelle de la relation à quelques scènes, là où Clive et Joy étaient deux convertis, et Lewis un apologète renommé. Or leur vie spirituelle me semble évoquée assez légèrement, alors que Lewis lui-même nous a laissé assez de preuves du retentissement spirituel de ces événements. Le film demeure très réussi, mais à mes yeux perfectible dans le témoignage qu’il rend.
Les acteurs et leurs rôles
Anthony Hopkins (Lewis) est superbe, vif mais tout en retenue, à l’aise dans le rôle d’universitaire mordant qu’était Lewis. Il incarne avec beaucoup de finesse la transformation d’un sexagénaire qui s’autorise enfin à aimer (voyez la scène vers 1h20). Debra Winger (Joy) est aussi très convaincante dans son rôle. Le contraste entre ses manières américaines et l’univers oxfordien est bien rendu, sans excès. Elle m’a parue encore meilleure une fois son personnage souffrant. Ces deux acteurs ont d’ailleurs été nommés aux Oscars et aux BAFTA Awards pour leurs performances dans Shadowlands. C’est largement mérité, notamment au vu des dernières scènes qui sont déchirantes.
Le personnage de Warren, le grand frère de Lewis, est très touchant. J’ai trouvé dommage qu’il ne soit pas davantage exploré ; en l’état, il est presque réduit à un faire-valoir. Or, s’il était un vieux garçon courtois, fidèle à son petit frère et dévoué aux Davidman, je ne doute pas qu’il ait eu plus de fond que ce que le film en laisse paraître.
Cette remarque est vraie pour l’essentiel des rôles d’ailleurs. Il semble n’y avoir que quatre vrais rôles, le restant s’approchant davantage de la figuration, notamment chez les collègues de Lewis – ce qui est encore compréhensible – mais aussi pour son beau-fils Douglas, ce qui est plus regrettable. En même temps, ce peut-être un parti-pris que de faire un film sur un couple, autour duquel toute la trame mondaine, universitaire, hospitalière ne peut que s'effacer… D’autant plus qu’il s’agit de l’adaptation d’une pièce de théâtre, où peut-être l’économie des personnages était différente.
Le réalisateur et la technique
Richard Attenborough (Un pont trop loin, Gandhi) est à la réalisation. L’image est celle des films des années 1990, elle a bien vieilli mais c’est un peu terne. Pas de folie technique, les plans sont sobres, au service du jeu d’acteur et des dialogues qui portent le film. Les décors sont très beaux, notamment parce que des scènes ont été tournées à Magdalen College, Oxford. Rien de plus authentique.
Pourquoi 9/10 ?
Parce que j’aime les biopics, j’aime Lewis, ergo j’aime un biopic sur Lewis.
Parce que l’interprétation est impeccable, pour les premiers comme les seconds rôles.
Parce que l’ambiance britannique ne peut que me plaire.
Parce que c’est non seulement émouvant, mais encore édifiant.
Parce que ça résonne en ma petite personne – davantage objectivé, mon avis sur l’objet technique et artistique serait peut-être plutôt d’un 8/10, mais pour tout ce qui est remarquablement évoqué, je donne un 9/10 : chaudement recommandé, malgré de petits défauts aisément dépassables.
Parce que c’est un bel hommage à une femme qui inspira à un homme ces mots : “Her absence is like the sky, spread over everything.” (C.S. Lewis, A Grief Observed)