Autant les Demoiselles de Rochefort alternait les scènes chantées et dialoguées, que Les parapluies de Cherbourg est une comédie musicale entièrement chantée.Une forme ambitieuse et incroyable ayant dû nécessité une symbiose remarquable entre Jacques Demy et Michel Legrand pour que le compositeur habite les dialogues du cinéaste.Et c’est cette démarche demandant au spectateur de bien écouter le dialogue chanté pour saisir les nuances de l’histoire qui transcende la cinématographie ordinaire. L’autre qualité des Parapluies de Cherbourg, c’est de dépeindre la jeunesse des années 60 avec brio.On sent sa volonté de rompre avec les codes des parents; on conçoit la difficulté d’afficher son couple; l’épisode de la grossesse avant le mariage est vécu comme un tabou malgré tout ;et la guerre d’Algérie est un trouble-fête condamnant les amoureux.Sur une trame découpée en trois parties sur plus de deux ans, l’histoire des parapluies de Cherbourg permet des évolutions et des bouleversements, des joies et des drames, mais aussi des incompréhensions et des doutes. Sous l’apparence d’une musique légère, la réalité décrite est plus tragique.Et c’est cette opposition qui crée tout l’intérêt du film, son atmosphère douce-amère car les tourtereaux séparés par les circonstances devront se réinventer pour fuir leurs souffrances.Le spectateur réalise que cette partie n’est pas la préférée de Jacques Demy vu la façon dont il traite l’épilogue.Mais, la vie est amertume parfois et le réalisateur n’écarte jamais cette tonalité dans les Parapluies de Cherbourg ( comme dans ses autres films). C’est tout à son honneur. Je retiendrai pour ma part une grande Catherine Deneuve dans un rôle tragique et quelque part plus percutante que dans les Demoiselles de Rochefort. J’ai apprécié une nouvelle fois les décors colorés et presque irréels. Et plus que tout, cette volonté de faire une comédie musicale à la française sans avoir trop de déférence envers les musicals américains.