Les Patriotes est un film d'espionnage assez surprenant, et à ce titre très plaisant, dans sa logique immersive au sein d'une unité proche du Mossad le long de deux affaires inspirées de faits réels. Son refus clair du spectaculaire pendant 150 minutes et la finesse de ses nombreux portraits en sont les principaux atouts : je n'aurais jamais pensé voir Yvan Attal aussi convaincant dans le rôle d'un agent secret, Ariel, entouré de Richard Masur qui compose un agent double américain extrêmement touchant, et même Bernard Le Coq qui étonne dans son personnage d'agent français à la solde d'Israël. Seule peut-être Sandrine Kiberlain détonne dans cette belle galerie, avec son armada de clichés de call girl de luxe — aussi voluptueuse et hypnotisante soit-elle.


Il est assez amusant de constater à quel point l'entourage du protagoniste Ariel n'est qu'un amoncellement de manipulations en tous genres. Sans forcer le trait, en travaillant une fibre précise et réaliste (du moins globalement crédible à mes yeux), les opérations des services secrets israéliens naviguent entre Paris et les États-Unis, autour de deux "cibles" très différentes. La première porte sur la manipulation d'un physicien français impliqué dans un projet de construction de centrale nucléaire (à un état non-allié d'Israël, qui peut évoquer l'opération Opéra en 1981 en Irak) et c'est sans doute le travail le plus minutieux du film, montré avec une justesse très pertinente dans le choix des détails et les phases descriptives à un niveau plus global. La seconde opération portant sur un officier du renseignement américain travaillant à la NSA, manipulé en faisant appel à sa confession juive, renvoie à l'histoire bien réelle de Jonathan Pollard qui livra des secrets à Israël — il fut libéré en 2015 après 30 ans d'incarcération et avec interdiction de quitter le territoire américain pendant 5 ans.


Une fois refermé ce chapitre de la vie du protagoniste, ce qui domine (aidé en cela par le dernier segment), au-delà de tout le travail de manipulation de très longue haleine, c'est cette amertume qui aura totalement contaminé un certain idéal chez Yvan Attal. Le récit d'espionnage que délivre le film se ressent avant tout comme la chronique d'une désillusion chez cet agent lui-même manipulé par ses supérieurs, qui ne s'en cachent même pas. Même si le film reste viscéralement attaché aux services secrets israéliens (à travers leurs pouvoirs de manipulations ainsi que les points d'ancrage avec la réalité historique), son écriture assez remarquable et son sens de la mise en scène d'une surprenante efficacité permettent de dégager un récit beaucoup plus général sur le fonctionnement des organismes de renseignement.


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Morrinson
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le 31 mai 2020

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