Marie la brune, Marie la blonde se prélassent en bikinis sur un ponton. Trop chaud... Vraiment trop chaud... Bronzer n'est pas toujours drôle ! Volailles de poulailler avachies, cette paire de glandeuses ignore le travail et la politique. Rêvassent-elles aux impasses du paradis socialiste ? Peu avant le jaillissement du Printemps de Prague, Věra Chytilová s'offre un feu d'artifice de liberté. Cheveux en pétard ou couronnée de fleurs, ses incontrôlables nanas font un pied de nez punk à la société. Profitant de leur jeunesse, elles se font inviter à dîner par des hommes mûrs, les exploitent cyniquement, se moquent d'eux et de leurs déclarations d'amour.
Leur Grande Affaire est de bâfrer ! Les frangines vident les poches des gogos payeurs avec des plats très salés. Dans leur quotidien, les pommes vertes prolifèrent... qu'elles croquent à pleines dents. Mais leur univers de divertissement tourne à vide, l'ennui s'infiltre et menace. Quand Marie 1 tente un suicide au gaz... Marie 2 dénonce l'imposture en montrant la fenêtre ouverte ! Heureusement une méga bouffe clandestine dépoussière leur vacuité existentielle. Dans la salle déserte d'un somptueux banquet, une goinfrerie ludique commence. Les affamées pillent allègrement les plats, se gavent, transportées au nirvana d'un paradis de boustifailles. Ah ! Se balancer à la figure les gâteaux à la crème rescapés ! Enfin nos vautours repus se suspendent au lustre...
Peut-on parler de film féministe ? Les chipies manipulent les pommes blettes masculines et les soirées se terminent à la gare en agitant les mouchoirs... Dans le burlesque traditionnel, un duo associe deux hommes opposés et complémentaires (Laurel le maigre timide, Hardy le gros volontaire). Věra Chytilová préfère un duo féminin, deux sœurs jumelles interchangeables. Leur couleur de cheveux ? Une différence superficielle. Leurs actions concertées et agressives, du genre blitzkrieg, engendrent un comique ravageur.
La réalisatrice tourne "Les Petites Marguerites" ("Daisies" en anglais) avec un plaisir contagieux, crée un joyeux monde de fantaisie burlesque influencé par Charlie Chaplin et Buster Keaton. Ses recherches formelles tous azimuts révèlent une belle jeunesse d'esprit. Cette œuvre anticonformiste ne vieillira pas. Des scènes d'animation explosives et colorées dynamisent les scènes filmées. Un expressionnisme foutraque de dessins animés dynamite le nihilisme inconscient des croqueuses. Qu'on se le dise, c'est la fête !