Une découverte … Un film réalisé en 1935 par Detlef Sierck, mieux connu sous son pseudonyme américain Douglas Sirk …
1935 : les nazis sont au pouvoir en Allemagne depuis deux ans mais aux studios de la UFA, leur présence ne se fait encore pas trop sentir, semble-t-il.
Il s'agit d'un mélodrame tiré d'une pièce de théâtre d'Ibsen que je ne connais pas.
Le sujet principal concerne le retour au pays (Norvège) d'un homme, Johann, parti en Amérique, il y a vingt ans. Bien orchestrées par son beau-frère, Bernick, pendant toutes ces années, diverses rumeurs (malversations, abandon d'une fille Dina) circulent sur Johann, qui entre temps a fait son chemin en Amérique. Autour de cette ligne directrice se greffent diverses histoires comme le mal-être de Dina, recueillie par Bernick mais objet de scandale dans la société locale bien-pensante, la lutte des pêcheurs locaux contre Bernick qui veut agrandir son chantier naval à leurs dépens et sans oublier la grande admiration du jeune fils, Olav, de Bernick sur la société américaine (les cow-boys et les indiens).
Au début du film, on voit le triomphe de Bernick dans son personnage de petit potentat local dont on découvrira que son pouvoir est basé sur le mensonge et la calomnie, interpellant ainsi le spectateur sur la solidité de ces "piliers" de la société. En parallèle, on voit le beau-frère Johann, propriétaire d'un grand ranch, foncièrement honnête, projeter de revenir au pays et redouter l'accueil qui lui sera fait. Une bonne façon d'illustrer le proverbe "les absents ont toujours tort"
Seuls parmi la société locale hostile à l'absent, deux personnages, Dina et Olav, conservent leur admiration pour Johann qui a su s'évader pour des conditions de vie meilleures. En regardant le film, je me disais que tout ceci était bien prémonitoire puisque Sirk ira s'exiler aux USA dès 1937 lorsque les nazis mettront complètement les studios en coupe réglée.
En fait, Sirk a toujours été un fervent admirateur du cinéma américain et en particulier des westerns. C'est donc naturellement qu'il ira se réfugier aux USA lorsqu'il lui faudra partir.
Autre point qui frappe dans ce film, c'est la dimension sociale qu'on retrouvera souvent dans ses futurs grands mélodrames américains.
Et puis, même si l'image du DVD est loin d'être au top, on peut voir le talent du réalisateur à travers ses prises de vue (profondeur du champ notamment) que ce soit en intérieur ou en extérieur. En particulier, la mise en scène de la tempête m'a paru assez réaliste et convaincante.
Un mot sur l'acteur principal Heinrich George qui joue le rôle de Bernick, le patron du chantier naval et "pilier" pourri de la société. Il est au départ de sa carrière cinématographique dans les années 20, un acteur d'obédience communiste et connait un grand succès. Puis, dès les années 37 (postérieures au film), il bascule du côté obscur de la force pour poursuivre sa carrière (le juif Süss et autres films de propagande) avant d'être emprisonné par les soviétiques à la fin de la guerre …
Pour finir, film intéressant à plusieurs égards dans lequel on se plait à deviner le futur metteur en scène des mélodrames hollywoodiens, bien plus aboutis, d'après-guerre.
Prochain film : la fille des marais (1935)