On y retrouve le dispositif habituel de Jean-Chistophe Meurisse, déjà à l’œuvre dans Oranges Sanguines. A savoir : une succession de saynètes se déroulant généralement au sein d’espaces clos, et dans lesquelles 2 à 3 comédiens se livrent à des ping-pongs verbaux improvisés sur une situation donnée. En résulte un film tout aussi inégal, mais beaucoup mieux maîtrisé que le précédent. On sent globalement une meilleure harmonie entre les comédiens, plus à l’écoute de leurs partenaires, ce qui permet à l’ensemble de se tenir et d’aboutir à quelques scènes franchement poilantes, qui ne sont d’ailleurs pas forcément les plus trashs ou les plus gores du lot. Je pense notamment à cet échange alcoolisé entre les deux enquêtrices du dimanche et la pauvre réceptionniste d’un aéroport, ou à cette hilarante conversation zoom entre une brigade de gendarmes allemands et ces deux flics français au niveau d’anglais encore plus faible que le mien. Situation simple, mais à l’exécution irrésistible.


Il n’empêche que pour une poignée de scènes réussies, il faut également s’en farcir d’autres qui le sont nettement moins, surtout durant cette première partie de mise en place assez laborieuse, où l’on suit une tripotée de personnages pas toujours très intéressants et dont on peine souvent à en comprendre l’intérêt. Meurisse prend le temps qu’il faut pour que chacun de ses protagonistes puisse exister à l’écran et généré du gag, quelque soit son importance dans le récit. Mais cet éparpillement se fait un peu au détriment de l’intrigue et de son propos.


Car oui, malgré son affiche racoleuse mais diablement efficace, le but n’est pas uniquement de surfer sur l’aura d’un fait divers à la mode. Le réalisateur entend bien utiliser la figure monstrueuse de Xavier Dupont de Ligonnès pour la mettre en perspective avec la violence quotidienne de notre société et de ses individus qui, comme lui, renferment une part de monstruosité ne demandant qu’à éclore si les circonstances le permettent. Un constat déjà assez discutable sur le fond et qui n’est pas non plus bien développé dans le film, à l’instar des enquêtrices amateurs, s’adonnant brusquement à des actes de torture gratuite, alors que rien jusqu’à alors ne nous laissait présager d’un tel revirement.


Je trouve également que le film aurait pu s’abstenir de reproduire à l’écran les crimes commis par le vrai Ligonnès car, même si je peux comprendre la nécessité de représenter la part d’ombre d’un personnage ironiquement dépeint comme quelqu’un de sympathique et de profondément humain, je pense qu'à l’instar du meurtre de Sharon Tate dans Once Upon a Time in Hollywood, le fait divers est suffisamment dans les mémoires pour que son image puisse planer sur tout le long-métrage. Dès lors, le représenter frontalement sans presque aucune distance avec la réalité, qui plus est avec cette musique angoissante digne des pires slashers de série Z ; c’est transformé le fait divers lui-même en spectacle, et plus seulement s’en emparer comme sujet, ce qui me semblait pourtant être la démarche de Meurisse.

Alfred Tordu

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