Quand un film donne dans l’invraisemblable, c’est souvent un symptôme. Là, on ne les compte plus, les invraisemblances, elles débordent du scénario, tel le ruisseau que la crue emporte, pour inonder jusqu’à chaque scène et livrer avec une constance presque naturelle cette dissonance par quoi se signale à notre sensibilité délicate l’inimitable goût du laid.

C’est par elles que notre ami Clint se découvre tel qu’en lui-même, comme un homme à qui s’impose l’évidence d’une conviction. Et si cette conviction suffit à balayer d’un revers de main les scrupules de la crédibilité, c’est qu’elle doit être forte, très forte. Cette histoire dont l’argument tire naturellement vers Hitchcock lui donne l’occasion de le prouver, en livrant au passage une vision du politique ramené finalement à des histoires de famille.

Tout cela se noue dans un duel où s’affrontent à distance les deux destins de l’individualisme. D’un côté le président félon, figure d’un devenir funeste de l’individu lorsque ne le retiennent plus les valeurs définitives de la famille. De l’autre le gentil dont la trajectoire exactement inverse représente le bien : père indigne ayant fui ses responsabilités, il revient vers sa fille, gagné, l’âge aidant, par une conscience aiguë de la faute. Comme les histoires de famille se règlent à l’abri des regards, le président sera puni sous la forme d’une justice libérale (au sens économique) par un homme qui représente le père symbolique trahi. Quant à Clint, il ne rechignera pas non plus à exécuter sa petite justice personnelle : après tout, ils s’en sont pris à sa fille !

On se dit après ça qu’il y a vraiment des réalisateurs de droite, on s’en doutait un peu mais Clint quand même, Libération, La Cinémathèque, ils adorent ! Et si on peut penser que ça ne constitue pas une excuse, et bien apparemment c’est tout le contraire.
Artobal
4
Écrit par

Créée

le 10 mai 2013

Critique lue 1.4K fois

8 j'aime

43 commentaires

Artobal

Écrit par

Critique lue 1.4K fois

8
43

D'autres avis sur Les Pleins Pouvoirs

Les Pleins Pouvoirs
-Marc-
5

Critique de Les Pleins Pouvoirs par -Marc-

Après "Impitoyable" et "Un monde parfait", Eastwood continue de briser les icônes. Il s'en prend ici au président des Etats-Unis. Il ne critique pas sa politique ou ses abus de pouvoir comme dans...

le 10 mai 2013

17 j'aime

12

Les Pleins Pouvoirs
cinemusic
9

Gentleman cambrioleur !

Luther Whitney (Clint Eastwood) est témoin d'un meurtre incluant le président des U.S.A (Gene Hackman) alors qu'il était en train de cambrioler la maison où vivait la victime... Sur ce pitch quasi...

le 20 sept. 2016

10 j'aime

3

Les Pleins Pouvoirs
Artobal
4

Proto-colère

Quand un film donne dans l’invraisemblable, c’est souvent un symptôme. Là, on ne les compte plus, les invraisemblances, elles débordent du scénario, tel le ruisseau que la crue emporte, pour inonder...

le 10 mai 2013

8 j'aime

43

Du même critique

Le Parrain - 2e Partie
Artobal
9

Merci pour le Coppola

Si le premier Parrain était un "film de parole", mélange entre drame intime et film noir, une histoire de pacte familial transmis dans le sang et les génuflexions (grand film, faut-il le préciser),...

le 17 oct. 2022

88 j'aime

12

Le Voyeur
Artobal
9

Un Tom au-dessus

"Le Voyeur" a brisé la carrière de son réalisateur, Michael Powell, et suscité un déferlement ahurissant contre lui lors de sa sortie, en 1960. Les critiques l'ont reçu comme une pure obscénité, un...

le 17 oct. 2022

66 j'aime

10

Le Grand Sommeil
Artobal
9

Critique de Le Grand Sommeil par Artobal

Ce qu'on aime dans ce film, c'est d'abord (si on a du goût) son cinéaste. Puis, si on a plus de goût, ses acteurs, son histoire et toutes les choses goûteuses qu'il vous offre. Mais alors sur ce...

le 17 oct. 2022

62 j'aime

25