J'ai toujours pensé qu'il était essentiel de voir au moins deux fois chaque film, histoire de rafraîchir nos souvenirs, de confronter l'oeuvre en question à une sensibilité en mutation constante. L'occasion de cruelles déceptions comme de belles réhabilitations, dont c'est le cas pour moi aujourd'hui avec "Les prédateurs", premier film du p'tit frère de Ridley que je n'avais pas trop apprécié au moment où je l'ai découvert, pour les mêmes raisons qui font qu'il me fascine désormais.

Oui, l'esthétique de "The hungers" est chargée, extrêmement chargée. Et dieu sait qu'à vouloir à tout prix donner une identité visuelle propre à son film on le condamne à vieillir prématurément. Mais en esthète et expérimentateur de génie qu'il est, Tony Scott ne se contente pas d'immortaliser sur pellicule les modes de l'époque, mais bien entendu de les transcender, de pousser l'expérimentation visuelle dans ses derniers retranchements. En transformant son film en pure oeuvre d'art, en objet purement subjectif, Scott lui épargne ainsi toute obsolescence prématurée, lui offrant au contraire l'immortalité.

Une approche graphique en adéquation totale avec son sujet, portrait d'une décennie toute entière vouée au culte de l'apparence et de la notoriété, où les rides et la transparence sont synonymes d'une mort certaine. Tony Scott se réapproprie ainsi le film de vampire, se servant d'un genre codifié pour signer un film profondément mélancolique, montrant l'immortalité non pas comme un cadeau mais bien comme une malédiction, tout en pointant du doigt une certaine élite accro à la nouveauté et à l'amour, suçant les plus faibles jusqu'à ne laisser d'eux qu'une enveloppe vide.

Aussi fascinant que rebutant, jouant avec brio avec l'image iconique du couple Deneuve / Bowie, "Les prédateurs" est une oeuvre culte qui influencera considérablement le reste des 80's, pour le meilleur et surtout le pire, les studios singeant sans jamais comprendre le film d'un Tony Scott qui ira se perdre par la suite chez Bruckheimer tout en continuant heureusement ses expérimentations tout au long d'une carrière injustement conspuée jusqu'à la fin.

Créée

le 30 juin 2013

Critique lue 2.2K fois

49 j'aime

6 commentaires

Gand-Alf

Écrit par

Critique lue 2.2K fois

49
6

D'autres avis sur Les Prédateurs

Les Prédateurs
TheScreenAddict
10

Critique de Les Prédateurs par TheScreenAddict

On se remet très lentement du choc, de l'explosion de sensations qui découle de la contemplation de cet objet rare du cinéma, ce diamant noir plus baudelairien que baudelairien, cette méditation...

le 7 août 2010

28 j'aime

Les Prédateurs
LeTigre
7

Une œuvre vampirique des temps modernes.

Pour un premier long-métrage en tant que réalisateur, Tony Scott s'est bien débrouillé pour commencer une solide carrière de cinéaste, même s'il a fallu du temps pour que la production soit reconnue...

le 17 sept. 2018

24 j'aime

24

Les Prédateurs
Ugly
7

Le vampire chic

Pour son premier film, le frère de Ridley Scott aborde un sujet vers lequel il ne reviendra plus, celui du cinéma fantastique, où il dépoussière le mythe du vampire et l'adapte aux années 80 en lui...

Par

le 18 déc. 2016

13 j'aime

3

Du même critique

Gravity
Gand-Alf
9

Enter the void.

On ne va pas se mentir, "Gravity" n'est en aucun cas la petite révolution vendue par des pseudo-journalistes en quête désespérée de succès populaire et ne cherche de toute façon à aucun moment à...

le 27 oct. 2013

269 j'aime

36

Interstellar
Gand-Alf
9

Demande à la poussière.

Les comparaisons systématiques avec "2001" dès qu'un film se déroule dans l'espace ayant tendance à me pomper l'ozone, je ne citerais à aucun moment l'oeuvre intouchable de Stanley Kubrick, la...

le 16 nov. 2014

250 j'aime

14

Mad Max - Fury Road
Gand-Alf
10

De bruit et de fureur.

Il y a maintenant trente six ans, George Miller apportait un sacré vent de fraîcheur au sein de la série B avec une production aussi modeste que fracassante. Peu après, adoubé par Hollywood, le...

le 17 mai 2015

212 j'aime

20