L'impression que j'avais sans avoir vu The hunger, c'est qu'avant de faire des du cinéma-popcorn, Tony Scott avait fait un premier long-métrage à part, plus auteuriste.
Et effectivement, c'est un peu ça.
Le film s'ouvre sur une séquence dans une boîte de nuit, avec comme musique "Bela Lugosi's dead", chanson aux sonorités si étranges, et qui collent vraiment bien à l'ambiance que cherche à poser le réalisateur. Expérimentations de montage, puis de bruitages, tous deux traités assez brutalement : jump cuts, et coupes nettes du son entre les plans.
S'ensuit une scène aux plans rapides, presque abstraits, mais à l'image super soignée. On ressent ce qui se passe plus qu'on ne le comprend. Les personnages principaux, les deux vampires, Deneuve et Bowie, séduisent deux êtres eux aussi tout de noir vêtues, et ce alterné avec des plans de singes en furie, dont l'un finit par bouffer l'autre.

Le film est plein de plan très figuratifs et esthétisés. Gros plan sur un briquet qu'on allume, gros plan magnifique sur une larme de Deneuve vue à travers un voile noir, Bowie en ombre chinoise au milieu de voilages qui se meuvent au gré du vent, ...
Tout le film, les personnages sont dans la pénombre, qu’ils soient dans la douche, dans leur lit au petit matin avec les fenêtres ouvertes, ou dans des lieux publics comme l’hôpital. L’idée du réalisateur et l’esthétique priment sur la logique, ce qui n’est pas dérangeant car cette esthétique est assumée pendant tout le film. Dans les couloirs de l’hôpital, les lumières sont éteintes, mais même quand des lampes sont allumées, elles n’éclairent pas grand-chose ; ils ont dû les régler à une faible intensité spécialement pour le film.
Et les mêmes procédés que dans Cruising sont utilisés pour donner une impression de film en noir et blanc : des contre-jours, des habits noirs ou blancs, et des dominance de bleu, qui au cinéma sert généralement à évoquer la nuit.
Il y a juste quelques touches de rouge, bien sûr : le rouge à lèvre de Deneuve, des lumières à l’hôpital, la peinture des portes d’un ascenseur, … et le sang.
Tony Scott cherche désespérément à faire un film appliqué et classe, et utilise ce bon vieux procédé de l’utilisation de la musique classique, qui inonde l’immense appartement bien chic des deux vampires, et accompagne une scène où ils se débarrassent de cadavres dans un incinérateur.
La musique est parfois trop insistante, reprenant les gros clichés de la BO de film d’horreur, mais il arrive qu’elle soit belle et envoûtante ; je pense précisément à celle vers 51mn, lors du montage parallèle entre l’arrivée du camion et la marche de la doc jouée par Sarandon.
Ca évoque la tristesse, la solitude. Effectivement, le film s’évertue à aborder la solitude connue par ces buveurs de sang : beaucoup de moments de silence, des cadres larges qui isolent les personnages dans un coin de l’image, etc. Tous les procédés habituels, qu’on fait revenir régulièrement, quitte à risquer l’ennui.

Pour se donner un style, et pour rendre les personnages encore un peu plus distants, l’intrigue est très floue au début. Le spectateur suit des dialogues dont il ignore encore le sujet.
On comprend plus tard que les deux vampires cherchent un moyen définitif de ne pas vieillir, sans avoir à boire du sang tout le temps. Ils surveillent donc des recherches scientifiques sur le vieillissement, visant notamment à soigner les enfants victimes de progeria, et qui vieillissent prématurément.
C’est une idée sympa que de mêler le mythe si ancien des vampires à des recherches modernes. J’ai bien aimé également les façons nouvelles dont est présenté un des pouvoirs des vampires qu’on pouvait déjà voir dans le Dracula de 1933 : le contrôle mental exercé sur les victimes. Deneuve fixe du regard une femme, un son étrange se fait entendre, et la femme lève la tête en demandant à l’héroïne ce qu’elle a dit, alors qu’elle n’a pas prononcé un mot. Plus tard, cette même femme décroche le téléphone, croyant avoir entendu la sonnerie.
C’est grâce à ce pouvoir, qui sert d’une certaine façon à la séduction de la future victime, qu’on a droit à une surprenante scène lesbienne entre Susan Sarandon et Catherine Deneuve.
Tout comme on ne prononce jamais le mot "zombie" dans les films de Romero, on ne prononce jamais le terme "vampire" dans Les prédateurs. Ce n’est pas nécessaire. Les personnages boivent du sang, et parlent d’ "immortalité", mais étrangement dans ce film-ci, les vampires peuvent mourir comme n’importe quel humain, d’une chute ou d’un coup de couteau.
Et je ne sais ce qu’il en est dans les autres films, mais je n’ai jamais vu un vampire mourir de vieillesse. C’est le cas d’un des vampires des Prédateurs, qui finit avec un maquillage assez ridicule. Et si vous regardez bien son pantalon une fois qu’il se retrouve dans son cercueil, il y a une tache humide vers son entrejambe ; serait-il aussi devenu incontinent ?

Pour moi Les prédateurs est trop lent, à la longue je me suis ennuyé, et je sentais que le choix esthétique allait me lasser, mais il faut reconnaître qu’il y a du talent dans ce film, et de vrais choix d'auteur, bien plus que Tony Scott n’en montra plus tard dans la mise en scène de ses œuvres plus mainstrean (mais malgré tout très divertissantes).


PS : A voir, la bande-annonce VF bien kitsch :
http://www.youtube.com/watch?v=z3JM-HYFVuE
Fry3000
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le 21 juil. 2013

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Wykydtron IV

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