Deuxième proposition de film à l'université, avortée car un public absent... Tant pis, je dépose ça ici, avec ma "critique" d'origine à la suite :
On a commencé avec Carrie (http://www.senscritique.com/film/Carrie_au_bal_du_diable/critique/21387265), qui acquiert ses pouvoirs, sa terreur monstrueuse avec sa ménarche et l’on continue avec un film de vampire : on pourrait dire que notre fil rouge est le sang au féminin.
La dernière fois, on avait une figure de la femme réprimée par la religion, où la menstruation était expliquée par le péché originel. Avec le vampire, on va avoir une image de la femme plus primitive, des croyances ancèstrales.

Il y a de très nombreuses légendes et variantes autour du vampire. Chez les aztèques, Lévi-Strauss rapporte que les jeunes filles ont leur règles une fois qu’elles sont mordues par une chauve-souris. Dans le tabou de la virginité, Freud écrit sur certaines croyances primitives : le sang coule car un esprit animal a mordu à l’intérieur des jeunes filles.

Le vampire le plus connu est sans doute Dracula. Est-ce que la vampire fait parti du même mythe ?
Dans les mythes on retrouve les striges, les lamies, les goules, les empuses, les harpies : d’une certaine fatalité féminine. Dans la littérature, on retrouve la morte amoureuse de Théophile Gautier, la dame pâle de Dumas… (http://www.senscritique.com/liste/Requiem_pour_une_vampire/723980)
Toujours est-il que la vampire rassemble l’éros et l’effroi, c’est une femme d’amour et de mort.

Ainsi, la figure du vampire réunit d’une manière exemplaire la question de la sexualité mêlée à celle de la mort. Toujours dans une aura de séduction, le ou la vampire attire ses proies avec la promesse de l’immortalité. Le baiser mortel (mort de l’humanité chez le sujet, transformation en autre) dans le cou amène dans chaque représentation la question de la sexualité : jamais monstre n’a été à ce point connoté sexuellement.
Même le sang est un symbole ambigu : c’est à la fois signe de vie et image de mort.

Ces deux thématiques qui se mélangent se perçoivent très clairement dans le film : la première partie avec la rapide détérioriation de John, la quête de la jeunesse perpétuelle avec en parallèle les recherches scientifiques de Sarah puis une fois John rangé dans une boîte arrive la deuxième partie où c’est la sexualité qui est mise en avant, voire même l’éveil à la sexualité pour Sarah.

On a une abolition des genres avec des acteurs très androgynes : Bowie n’est plus à décrire et et Sarandon en femme active, cheveux court est une garçonne. Or, on sait bien que l’indifférenciation sexuelle est porteuse d’immortalité. Myriam est pourrait-on dire bisexuelle dans le sens d’une bisexualité toute-puissante (choisir c’est renoncer).

Pourquoi ses amants “meurent” ?
Le propre de Myriam c’est d’être la mère archaïque : c’est elle qui a le pouvoir, qui transforme l’autre pour qu’elle lui appartienne. elle est totalement en dehors du monde symbolique, dans son appartement hors temps Elle donne vie, elle “enfante” elle-même de nouveaux compagnons, elle leur apprend à se nourrir : on a l’image d’une mère incestuelle qui connaît pertinent le destin de ses enfants-amants

Mon hypothèse : plus que de sang, Myriam se nourrit d’amour, d’une réassurance narcissique ; en même temps que John vieillit, Myriam s’intéresse, tombe sous le charme de Sarah. On peut imaginer un ennui dans ce couple de deux sicèle. Qui plus est, la fin de de Myriam, c’est le refus d’amour de Sarah qui préfère la mort à l’appartenance éternelle à cette femme toute puissante, refus d’amour qui réveille les anciens amants et qui leur permet eux aussi de se révolter contre cette demi promesse d’éternité ; l’amour n’est plus, l’énergie vitale de Myriam s’évanouit.
Un autre point hypothétique : celle qui refuse la promesse d’éternité, l’amour totalitaire de Myriam, c’est une femme moderne, une scientifique. On aurait donc la science qui détruit le mythe.


PREMIER JET :
La nature humaine est censée suivre l'ordre symbolique, pour survivre à travers le temps ; l'ordre symbolique c'est l'homme qui l'amène dans le couple, c'est la loi paternelle qui sépare de leur fusion la mère et son enfant.
Le vampire met à mal cet ordre symbolique, il séduit les jeunes vierges et les détourne de la société patriarcale, de leur fiancé promis. Non seulement la femme-vampire est une séductrice fatale comme son associé masculin mais elle trouble aussi le genre, elle éveille les jeunes filles à l'homosexualité. Qui plus est, le vampire brise de nombreuses frontières à fleur de peau : celle du vivant et du mort, celle de l'humain et de l'animal.

Le vampire amène également l'image du sang, le sang de la vierge. Le sang rappelle le cycle de menstruation de la femme, là où la différence sexuelle est proéminent et là où la femme peut donner la vie, par nature (et donc la mort). Ce rapprochement entre menstruation et vampire n'est pas anodin : la lune lie les deux. Dracula, le vampire-homme, n'échappe pas à cette imagerie : il apparaît très féminisé, et, suivant la (sur ?) interprétation de certains, meurt d'un pieu phallique. Une croyance populaire émet l'idée que le vampire se nourrit du sang de ses victimes pour remplacer celui perdu lors de sa menstruation. D'autres auteurs pensent que la morsure du vampire est un rite de passage, le cou rappelle le cervix de l'uterus et tout est lié encore une fois.

La lune temporise le cycle du sang, les Grecs nomment leur vampire sarcomens (chair produite par la lune). Un autre cycle s'ajoute : celui du serpent, qui renouvelle sa peau - comme le vampire se rajeunit. Des mythes parlent d'une déesse serpent (parfois chauve-souris) ou d'une déesse vivant sur la lune qui provoquent l'arrivée du sang chez les jeunes filles après les avoir mordu. Le vampire, avec ses deux canines, devient le serpent biblique, en éveillant par sa morsure sanglante et sa beauté éternelle la curiosité sexuelle chez de jeunes gens prudes et catholiques.

Ce rapide résumé des idées qui traversent le chapitre sur la femme-vampire du livre The Monstrous-Feminine de Barbara permet une appréhension des représentations collectives (inconscientes) véhiculées par l'image du vampire. Ces représentations me semblent formidablement bien retranscrites dans le film The Hunger, où les thèmes de la séduction, de la bisexualité, de l'immortalité par le sang et par l'amour (narcissique) sont très bien exploités (dans l'idée et non dans la réalisation cinématographie à mon goût). Ce qui rajoute un peu plus à ce mélange d'abject vampirique, c'est l'idée de la mère-vampire (et donc de l'inceste) ; Miriam offre la vie éternelle à chacun de ses amants et amantes, elle leur apprend à se nourrir par eux même jusqu'à porter ses enfants de sang dans un cercueil-utérus, retour à la mort pré-utérine ou presque. Et lorsque Miriam choisit mal sa proie, plus forte qu'il n'y paraît, cette femme fatale se retrouve mal-aimée pour la première fois, son double narcissique ne peut plus supporter son éternité, ses amants-cadavres se vengent de ce vampirisme destructeur.

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le 9 juin 2014

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slowpress

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