Un conte romantique et sulfureux qui pousse l'esthétisation dans ses derniers retranchements... jusqu'à provoquer une certaine sublimation, un saisissement sensoriel inédit dans le genre. Les Prédateurs parvient à instaurer un style clinquant, parfois proche de l'imagerie publicitaire, tout en racontant sur un mode mélancolique et morbide une histoire d'amour impossible. Tony Scott ose l'anachronisme et l'outrance pour mieux rendre sa fable quasiment intemporelle, capable aussi bien d'engager l'icône des années 80 que constitue David Bowie que de réinventer le trio de Franz Schubert ou de magnifier Lakmé de Delibes ( moment de lyrisme que le réalisateur réutilisera dix ans plus tard dans son généreux True Romance ), le tout dans une trouble affaire de saphisme vampirique et de dégénérescence scientifique.
Le format Scope, très intelligemment choisi par Tony Scott, met constamment en valeur les corps et les visages des trois acteurs principaux ( à savoir Bowie donc, mais également Catherine Deneuve et Susan Sarandon ). Atmosphérique, touchant à la matière même de ses images Les Prédateurs est un film mettant un point d'honneur à cultiver les idées de mise en scène audacieuses voire excessives, sans pour autant sombrer dans le grotesque. On sent, de près ou de loin, l'influence d'un Dario Argento ou d'un Lucio Fulci car ce premier long métrage ambitieux doublé d'une rare maîtrise possède les humeurs d'un giallo cryptique et volontairement suranné.
Il y a donc des fulgurances et de belles surprises dans ce film hybride et inclassable, au montage parfois abrupt mais remarquable et doué d'une bande originale résolument culte. Pour un premier film ce n'est rien de moins qu'un tour de force stylistique, certainement l'un des meilleurs de son auteur défunt. Excellent.