L'humanité*
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Après Ultranova, Eldorado et Les Géants, Les Premiers, les Derniers est le quatrième long-métrage du cinéaste belge Bouli Lanners. Oscillant entre espoir et affliction, le film narre l’histoire de Cochise (Albert Dupontel) et Gilou (Bouli Lanners), deux chasseurs de primes désabusés chargés de retrouver un téléphone portable appartenant à un homme influent. En suivant le signal émis par l’appareil, ils arriveront dans une petite ville maussade, contrôlée par un groupe de chasseurs irascibles. Au même moment, Esther (Aurore Broutin) et Willy (David Murgia) rencontrent un homme nommé Jésus (Philippe Rebbot). Selon eux, la fin du monde est proche…
Bouli Lanners fait écho à sa propre peinture en multipliant les plans généraux (filmés en scope) aux lignes d’horizons basses - dans lesquels le ciel ronge la terre. Ces plans sont d’autant plus réminiscents des influences picturales du réalisateur qu’ils dépeignent une campagne dévorée par la grisaille, témoin d’un travail d’étalonnage aussi esthétique que mesuré. Exploitant tout la cinégénie d’un monorail en béton (image matricielle de l’œuvre) et de la décrépitude du pays de Beauce, le cinéaste livre un film personnel, insufflant ses propres angoisses au personnage de Gilou, affecté par la même pathologie cardiaque que lui. Sous ses fragments bibliques – de son titre jusqu’à sa figure jésuitique – Les Premiers, les Derniers, s’il reste empreint d’élans spleenétiques, dépeint avant tout des personnages en quête d’une volonté de puissance, preuve de leur profond attachement à la vie malgré l’imminence de l’apocalypse. Le dernier long-métrage de Bouli Lanners emprunte au western son exploration des grands espaces, sa délimitation des frontières, ses villes à l’obscurantisme hostile… dans une atmosphère d’americana crépusculaire, mot récurrent, dans la bouche de son auteur ou dans les écrits des chroniqueurs, pour décrire le film - d’aucuns pourraient lui donner une luxuriance de sens : Les Premiers, les Derniers est une œuvre sur l’errance, sur la transition entre deux sections d’existence, sur la recherche de la lumière lorsque l’obscurité s’installe…
Certains reprocheront au film sa vanité sous-jacente, ce dernier étant articulé autour d’un axe dramatique prétexte à l’exposition de différents tourments ; ce serait occulter le profond humanisme, certes tempéré par un symbolisme parfois grossier, qui transcende les pérégrinations de chacun des personnages principaux. Six simili- marginaux – deux handicapés mentaux, deux chasseurs de primes sur le déclin et deux vieillards pleins de sagesse vont voir leurs parcours s’entrelacer, la force émotionnelle des uns répondant à la dégénérescence morale des autres, la robustesse physique des derniers palliant la vulnérabilité des premiers ; c’est ainsi que transparaît toute la justesse d’une narration de prime abord déconcertante. Bouli Lanners s’attache à des individus parcourant des plaines dépouillées, en quête d’une boussole existentielle là où la seule route identifiable (la voie déserte de l’aérotrain) ne mène plus nulle part… Au gré de leur progression et à force de confrontations, ils parviendront, peut-être, à tracer un chemin. Le cinéaste, en accordant une importance capitale au choix de ses comédiens (d’un Albert Dupontel plein de justesse à l’excellent Philippe Rebbot, en passant par Suzanne Clément et les illustres Michael Lonsdale et Max Von Sydow), offre une colonne vertébrale à son dernier long-métrage, ces derniers apportant au film une éloquence rare - couplée à la puissance évocatrice des paysages de la Beauce. A l’image de la musique qui le ponctue, assemblage de riffs bluesy joués sur une guitare vintage, Les Premiers, les Derniers est magnifié par une beauté nostalgique, à la fois âpre et cotonneuse, aux impacts émotionnels certains… Entre ruin porn, grâce et décadence.
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Créée
le 2 févr. 2016
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