Un récit qui m'a bouleversé un moment après visionnage...

L'histoire D'Hasan, paysan Turc s'occupant fièrement de son beau verger, luttant contre les dures lois du marché, contre la nature humaine, la corruption, afin de nourrir sa famille, famille déchirée par le passé sur fond d'héritage.

Nous avons droit à une introduction sur de longs plans contemplatifs de cette magnifique campagne, aucune musique, seul le vent dans cet arbre d'une immensité, arbre de ses ancêtres, arbre familial et fil conducteur de son développement spirituel.

Vent qui nous accompagne durant une bonne partie de ce long métrage et qui intensifie la contemplation d'une manière simple, sans artifices.

Hasan est face à lui même, face à ses erreurs qu'il essayera par la suite de se pardonner, de se faire pardonner par son entourage et sa propre famille en quête de rédemption pour entamer son Hadj.

Alors qu'une société d'installations électriques souhaite mettre en place un pylône électrique au beau milieu de son champs, celui-ci refuse catégoriquement et fait appel à juge afin de l'installer une centaine de mètres plus loin, dans le champs d'à côté. Il ne veut évidemment pas perdre une surface de son champs, ce sont ses revenus, son travail, il se donne du mal pour obtenir de beaux fruits et légumes.

Après une lutte acharnée, le pylône sera donc bien installé dans le champs de son voisin. Et c'est là une de ses plus grandes erreurs...

Il avait pressenti lors d'une séquence onirique un peu grotesque que l'arbre familial allait être abattu, et c'est le cas. Les ingénieurs ont bel et bien décidé de l'emplacement en plein sur l'arbre. Il se retrouve alors seul, en plein regret, observant les rondins de bois de l'arbre fraichement abattu.

Cet événement il essayait de le cacher depuis un moment à sa femme, Emine, ce n'est d'ailleurs pas sa première cachoterie. Il met tout en œuvre pour cacher la mort de son chat lié à un usage bien trop conséquent de pesticides dans son champs et son verger. Les fruits ne sont quasiment plus comestibles, si bien qu'il refuse d'en manger lui même.

Elle le découvre et l'absence de ce magnifique et gigantesque arbre l'attriste au plus haut point.

Un plan montrant une vue de dessous du pylône électrique accentue cette tristesse, un arbre métallique est littéralement à la place de l'arbre végétal.

Par la suite, allongé au sol une très belle séquence nous est proposée. Hasan en train de rêver avec l'arbre flottant en l'air derrière lui, et s’enracinant peu à peu dans le sol. Son regret est immense.

Et c'est là où le côté du film se voulant moralisateur me dérange, certes les plans, la mise en scène offrent un esthétisme irréprochable, le jeu d'acteur de Umut Karadag incarnant son personnage à la perfection, transmettant des émotions sincères sans aucune exagération.

La moralisation à outrance de certains passages nous sortent un petit peu du film.

(Les grands méchants créanciers faisant tout pour arnaquer les paysans et récupérer leurs champs qu'ils revendront à la mairie ensuite.

L'Europe autorisant la vente de pesticides mais refusant les produits en contenant.

Les usines qui se fichent de connaitre les conséquences de leur implantation à la campagne, car, l'installation de ce pylône est lié à leur activité)

Heureusement ce n'est qu'une petite partie des séquences. Nous avons à l'écran de magnifiques plans de contemplation. Le film prend son temps, la vie nous est montrée paisiblement, le temps semble ralenti mais le rythme n'est pas entaché pour autant.

Les relations humaines sont poussées dans une certaine complexité où le bon côté et le mauvais côté sont exprimés.

Nous pouvons nous identifier à Hasan, car tout le monde a évidement eu des relations humaines plus ou moins compliquées durant sa vie.

Questionnement perpétuel de l'Homme, comment entretenir de bonnes relations ? Comment être un Homme bon ? Comment devenir sage ?

Hasan profite par exemple de la détresse d'une connaissance afin d'acheter à bas prix un verger de pêchers de premier choix sous conseil d'Emine afin d'étendre son activité économique. Mais il n'est évidement pas antipathique pour autant.

Il veut absolument entamer le pèlerinage pour lequel il a été tiré au sort mais doit purger son âme, ne plus avoir de dettes, être en paix avec lui même.

C'est ici que nous sommes aspirés dans ce film. Une histoire de fraternité commence.

N'ayant pas parlé à son frère Muzzafer depuis 20 ans pour cause d'héritage compliqué. Sa femme le convainc d'aller le voir puisqu'il est à priori atteint d'un cancer.

Mais avant cela, il rend visite à un ami marchand de chaussures, auquel il avait oublié de payer ses souliers. Une scène très amicale se déroule sous nos yeux. Ce n'est pas le cas des scènes suivantes...

Une tension a lieu depuis un moment avec un berger qui était posté sous son arbre, Hasan souhait appeler la gendarmerie pour le faire partir, le tout sur un ton désagréable.

Il le recroise par la suite, nouvelle altercation alors qu'il est à la recherche d'un de ses anciens ouvriers agricoles ayant été accusé à tort de vol d'engrais, le berger l'informe que Serdar l'attend au café.

La tension monte encore d'un cran dans la scène suivante où des reproches assez sérieux sont faits des deux côtés.

Hasan obtient néanmoins son pardon, et, se fait également pardonner de sa femme à la suite d'une mise en scène nous faisant comprendre qu'ils s'expliquent sans nous laisser entendre la discussion qui se déroule au loin.

Ce plan était très appréciable de part la frustration qu'elle procure.

Il parle à sa bien aimée, et même si nous souhaitons entendre ce qu'il se dit, la pudeur est de mise, cette discussion est confidentielle.

Enfin, sa route se poursuit afin de régler son ultime problème... Muzzafer, son frère.

Soudain, c'est le couteau qu'on remue dans la plaie. Il arrive tout sourire chez lui, 20 ans après, espérant le pardon, espérant pouvoir s'expliquer sur leurs différents, lui apporte une cagette de pommes et un café.

Cependant c'est peine perdue, la maladie a bel et bien atteint Muzzafer depuis deux ans qui ne se souvient plus du tout d'Hasan. Il le prend pour un ami de l'armée, n'a aucun souvenir avec lui, sauf un. Lors d'une discussion où Muzzafer souhaite faire découvrir les lieux à son frère, il se demande où est passé l'arbre de son grand-père...

Hasan fond en larmes :

Cet arbre n'est pas ici mon frère

Avant de se rappeler que l'arbre n'est plus du tout, il vient de perdre le seul souvenir restant en commun avec son frère. Tout s'effondre, c'est trop tard, le pardon n'existe plus, il n'existe plus pour son frère.

Vient la séquence qui m'a achevée,

Un long plan avec un coucher de soleil, le bruit du vent et son frère filant derrière une colline, disparaissant du cadre; disparaissant tout court. Rien ne reste de Muzzafer au delà de son être physique. Hasan est seul, comme une ombre, figé de longues secondes. Il a perdu l'une des personnes les plus importantes de sa vie mais est impuissant face à la situation. Effondré.

Le silence, une larme qui s’échappe, on reste assis et démuni par le déchirement que provoque cette scène.

On est comme ailleurs pendant un temps, au courant que le film a provoqué des émotions profondes en soi, touché notre âme.

Yogen
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le 9 sept. 2022

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