Un film d'une merveille de justesse des émotions, de la beauté de l'image pourtant froide et terrible, contrastant avec les couleurs chaleureuses des scènes en apparence.
A travers la caméra du voyeur, le spectateur est aussi coupable de sa curiosité morbide.
Le malaise grandi de scène en scène car la culpabilité de Mark Lewis qui cherche à capturer l'image parfaite transmettant fidèlement à l'écran la peur, l'étonnement de ses victimes et des témoins de ses crimes obscènes se répercute sur l'écran du spectateur.
Lenteurs sur fond de sons de piano assourdissants, de zooms malsains sur les jambes de cette prostituée, dont il fait une fixette et finira par tuer avec comme dernier souvenir son visage déformé par la frayeur, c'est d'ailleurs sa "première fois" il est dégouté mais fasciné par la scène qu'il a tourné et développé, il la regarde d'ailleurs frénétiquement tous les soirs.
Cette culpabilité va suivre le spectateur qui au final est complice par le biais de la caméra, de ces meurtres... cette sensation se poursuit dans bien des scènes.
Lorsqu'il regarde par la fenêtre l'intérieur des pièces de ses voisins. Lorsqu'il observe les autres s’embrasser, et, ce dès son plus jeune âge. Lorsqu'il fixe la mère de son amie de longues secondes dans le silence. Nous percevons clairement sa maladie mentale mais un autre sentiment peut nous transpercer... à cause des mauvais traitements que son père lui a fait subir pour ses recherches "scientifiques" nous pourrions nous sentir comme contraints d'excuser sa perversion. Ce sentiment est terrible car évidement que son comportement n'est en aucun cas excusable.
Nous savons à quoi nous attendre car le schéma se répète mais continuons à observer l'évolution de Mark, d'observer ses traumatismes d'enfance liés à l'étude de son père sur le phénomène de voyeurisme.
Mark a comme une excitation de voir l'autre effrayé, cela le pousse à tuer afin de capter une émotion la plus vraie possible même si l'horreur est évidente... pour lui la simulation d'émotions ne fonctionne pas, il faut que les personnes soient conscientes de leurs émotions pour en éprouver réellement.
Il ne veut d'ailleurs pas photographier ni voir sa nouvelle amie qui habite sous son appartement car il a peur de laisser son désir de capturer la meilleure image possible prendre le dessus et commettre l'irréparable envers une personne qu'il affectionne beaucoup.
Le voyeurisme est au final présent dans notre société humaine, la curiosité morbide peut s'avérer être une fascination dont beaucoup ont de mal à s'en sortir.
Serait-ce aussi une critique envers le cinéma qui va de plus en plus loin en ce sens, montre l'horreur à l'écran, le gore, afin de fidéliser le spectateur qui en raffole ?
Les avis des années soixante semblent montrer que ce film est en effet avant gardiste, les spectateurs de cette époque ont étés choqués par ce qu'ils ont vu à l'écran et cela semble se poursuivre aujourd'hui . L'obscénité est suggérée, mais jamais montrée directement, pourtant les émotions éprouvées par le spectateur sont très fortes.
Cette obscénité a bien failli mettre un terme au cinéma de Michael Powell car cette œuvre était très "moderne" et controversé pour l'époque et a suscité une vague d’indignations qui n'existent plus aujourd'hui même face à des scènes bien plus violentes physiquement et psychologiquement.
Powell avait-il raison concernant le voyeurisme futur des spectateurs de cinéma ?