Réalisé par Michael Powell, Le voyeur écope de critiques assassines dès sa sortie en 1960. Passionnés par cette œuvre d'une rare richesse, Scorsese et le nouvel Hollywood le sortent des oubliettes pour l'asseoir définitivement parmi les plus grands films anglais et les plus grands films tout court.
"Les yeux sont une fenêtre sur l'âme ".
Cette phrase résume à merveille le personnage interprété par Carl Boehm. Le psychopathe du Voyeur immédiatement identifié par le spectateur a contrario de son cousin américain de Psychose, s'exprime par le biais d'une caméra dont il filme les meurtres afin de capter au mieux les émotions et les torsions des visages. Sans le deviner, Powell va concevoir l'ancêtre du snuff movie et surtout représenter organiquement un idéal de mise en scène. Les cellules de synthèse converties en cellules vivantes, voilà tout le projet d'un déséquilibré magnétique au visage d'ange. Si le Cinéma est l'art de mettre en scène l'irréel, le tueur va, lui, représenter le réel et le capter jusqu'à en jouir devant son écran. La métaphore sexuelle qui baigne le métrage atteindra son apothéose lors d'un meurtre dont le trépied de la caméra mutera littéralement en pointe phallique pénétrant une gorge innocente. Filmée puis développée, la scène sera projetée en présence d'une aveugle. Un œil malade, des projecteurs, une caméra, une focale sont immortalisés par des objets tout en rondeur. Un "trompe l'œil" pour le spectateur qui sait que l'art de "mater" son sujet provoque une frustration sexuelle définitivement délivrée par l'acte meurtrier.
Matrice (au mettre titre que Mario Bava et "la baie sanglante") dans l'art de mettre en scène la mort, Powell et son chef opérateur influenceront les futurs ténors du giallo. Vous avez dit Argento ?