Le jeu des familles
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Durant un peu plus d'une heure, j'ai vraiment eu l'impression qu'Eastern Promises avait toutes les qualités pour me réconcilier avec le cinéma de Cronenberg. S'il y a bien une chose qu'on peut reconnaître au Torontois, c'est son originalité et son refus de la facilité. L'univers mafieux compte parmi les premières sources d'inspiration du cinéma contemporain, pourtant Cronenberg parvient à se démarquer avec cette immersion au sein de la mafia russe londonienne. Un milieu froid, sordide, secret, dans lequel les vieillards dominants festoient sur le dos de l'esclavagisme moderne au beau milieu de la ville la plus prospère d'Europe.
On comprend facilement que les codes du gang aient pu fasciner le cinéaste. Il immortalise avec beaucoup d'inspiration et de solennité les corps marqués au fer bleu comme autant de journaux intimes relatant l'exploitation et le malheur humain, tout comme la chair bien vivante et pourtant tellement désincarnée de ces filles réduites à l'état de viande servile.
En toile de fond, les liens tissés entre les personnages dessinent une trame de film noir passionnante dont l'issue aurait dû être forcément tragique pour tout le monde. C'est sans compter sur les vingt dernières minutes du film (en gros tout ce qui suit la scène du sauna), qui nous amènent chemin faisant vers une conclusion affreusement convenue, prévisible, et malheureusement totalement anecdotique au regard des enjeux soulevés par Eastern Promises. Une fin qui laisse également en plan la construction psychologique des personnages. Excellents tout du long, Naomi Watts et Viggo Mortensen traversent le dénouement presque comme des fantômes et s'échangent un baiser dont on se contrefout. C'est même plus grave pour le pauvre Vincent Cassel, qui pour la première fois de sa carrière se plante en beauté et dans les grandes largeurs, avec le même accent russe totalement raté qui ne m'avait pourtant pas gêné quand il s'amusait dans Nadia en 1999.
Il y avait donc tous les germes d'un très grand film, mais malgré d'immenses qualités, Eastern Promises s'éteint progressivement jusqu'à s'engoncer dans des travers téléfilmiques regrettables.
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Créée
le 3 avr. 2017
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