Réalisé en 1940 par John Ford, The Grapes of Wrath est l’adaptation du roman homonyme de John Steinbeck. L’histoire d’une famille de métayers qui espèrent trouver du travail en Californie alors que la crise bat son plein. Un road movie, parmi les premiers du genre, et un grand film politique.


Oklahoma, années 30 :
Ce sont sans doute les photographies de Dorothea Lange qui montrent le mieux la misère des années trente aux Etats-Unis. Autant de portraits de pauvres gens accablés par la misère absolue et l’angoisse d’un avenir incertain. L’état d’Oklahoma, fragilisé par deux années de sécheresse, en a payé le prix fort. Le roman de Steinbeck se focalise justement sur les « Okies », ces migrants devenus indésirables dans leur propre pays. Boutés hors de leurs terres par des acquéreurs sans scrupules et exploités ensuite comme des bêtes de somme, ils se retrouvent par milliers à parcourir les routes de l’Ouest en quête d’un illusoire Eldorado. Mais le rêve de Californie se transforme pour nombre de ces familles en véritable cauchemar.


Du roman au film
On retrouve dans le film la plupart des péripéties du roman. Les étapes dans les campements insalubres, l'hostilité des Californiens à l'encontre des "envahisseurs" et surtout la collusion entre exploiteurs et forces de l'ordre. De même, la plupart des personnages sont repris dans le scénario. Tom Joad le rebelle (Henry Fonda, magnifique), Ma la matriarche (Jane Darwell), Granpa et son fichu caractère ou encore Jim Casy interprété par un John Carradine particulièrement inspiré. On peut regretter que la relation entre Tom et son jeune frère ne soit pas aussi développée que dans le roman ou que le personnage de Rosasharn ne prenne pas la dimension que lui confère Steinbeck, il n’en reste pas moins qu’en à peine plus de deux heures le réalisateur réussit une transposition aussi juste dans l’esprit que globalement fidèle dans le déroulé.


La vision de John Ford
Si John Ford s’écarte à de rares occasions du roman, il enrichit le scénario de quelques scènes inédites. Comme celle, poignante, du bistrot des routiers. La photographie somptueuse du chef op. Gregg Toland apporte par ailleurs à cette histoire de larmes et de poussière une interprétation visuelle fantastique, au sens expressionniste du terme. En filmant au plus près les visages, les regards, les attitudes, précisément à la manière de Dorothea Lange. Ou en recréant cette atmosphère de fin du monde si magnifiquement dépeinte par Steinbeck. Mais c’est aussi le John Ford politisé, engagé que l’on perçoit. John Ford, que D. Zanuk avait choisi pour cette adaptation, est ici dans son élément et déploie quelques grandes thématiques qui marqueront sa filmographie : la mythologie, le rêve de l’Ouest et la préoccupation pour la justice sociale héritée de ses origines irlandaises.


Un beau film qui n’a rien perdu de sa force ni de son actualité.


8.5/10


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Theloma
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le 30 déc. 2020

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