"Le gouvernement s'intéresse plus aux morts qu'aux vivants"

C'est en 1940 que John Ford décide de mettre en scène la grande dépression américaine faisant suite à la crise de 1929 via l'œuvre de John Steinbeck sortie un an auparavant. Il met en scène la famille Joad et notamment Tom, qui sort tout juste de prison, famille qui doit traverser les États-Unis pour trouver un travail et de quoi vivre.


Dès les premières minutes, Les Raisins de la Colère fait forte impression avec une photographie en noir et blanc assez sombre, un temps brumeux et un vent violent. Ford met vite le contexte de l'histoire en place, montrant Tom rentrant chez lui en ne connaissant pas les conséquences de la crise de 1929 qui a vu sa famille quitter sa propriété et il reste régulièrement braquer sur lui tandis que l'on découvre peu à peu sa famille et la difficiulté pour se nourrir et tout simplement pour vivre.


Les Raisins de la colère montre la misère humaine sans tomber dans le misérabilisme ou le sentimentalisme mal venue, John Ford reste toujours dans la justesse et donne une vraie puissance dramatique à son oeuvre. Il filme ce qu'il considère comme le vrai peuple américain, ceux qui souffrent le plus des maux de ce pays, tous les pauvres et les laissés-pour-compte. C'est avec une tendresse particulière qu'il en dresse le portrait, s'attachant parfois à de simples moments de bonheur alors que le malheur, la pauvreté et la misère frappent chaque jour de plus en plus fort.


C'est justement à travers ces séquences-là que le metteur en scène de My Darling Clementine fait ressortir toute la dramaturgie et l'humanisme des personnages et enjeux. Des gens ordinaires qui tente et reste debout alors que le monde s'écroule autour d'eux, avec toujours les valeurs de la famille comme socle pour rester stable et avancer. Il met en avant l'exode suite au déracinement, les pertes humaines et matérielles mais surtout l'espoir, l'envie de s'en sortir et le courage malgré cette extrême pauvreté et cette Amérique ravagée par la crise et par la dérive d'un système. Cette dernière qui met d'ailleurs en avant certaines parties sombres de la nature humaine ainsi que les divisions entre différentes tranches de la population.


Tout le long de l'oeuvre, Ford ne fait qu'accentuer un réalisme pointu, tant au niveau des dialogues (telle la façon de parler) que des personnages ou de l'image. Il se rapproche parfois d'un style plus documentaire et met en place une atmosphère froide de plus en plus angoissante où l'on a l'impression de se retrouver aux côtés des personnages. Il capte toute la dramartugie et l'horreur de la situation autour de cette famille nombreuse, tout comme les actes qu'ils seront prêt à faire pour s'en sortir, et même tout simplement vivre.


Les tableaux que traversent les personnages dégagent puissance, poésie et cruauté, mettant à mal le rêve américain et montrant l'errance d'un pays et de ses habitants en toile de fond. Visuellement, le film est d'une force incroyable, jouant avec une photographie en noir et blanc très sombre, des décors inquiétants et un temps qui gronde. La manière de filmer de Ford est saisissante, toujours avec un regard attachant sur les personnages qu'il met en scène, d'ailleurs ces derniers bénéficient aussi d'extraordinaires interprétations et en premier lieu Henry Fonda. Pour sa troisième collaboration avec John Ford, il retranscrit toute la complexité de son personnage, son humanisme, sa vision du monde et son attachement à ses valeurs familiales. Il signe là une grande composition, donnant puissance et émotion à son rôle tandis qu'à ses côtés des acteurs comme Jane Darwell ou John Carradine donnent eux aussi une sincérité touchante à leur personnage.


Une oeuvre marquante, bouleversante et tragique qui n'a rien perdu de sa puissance aujourd'hui et qui apparaît même comme visionnaire. Orchestré d'une main de maitre par John Ford, il dresse le portrait d'une Amérique faisant froid dans le dos où se mêlent misère, répression, instinct de survie et espoir.

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le 18 avr. 2016

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