J'ai vu la version longue, reconstituée à partir de photogrammes isolés et du script. Un film de presque 4 h, qui avait de toutes façons fort peu de chances d'être diffusé en version intégrale.

Ce qui m'a frappé, c'est la parenté avec Murnau. Il faut dire que les contraintes du cadre fixe rabotaient un peu les désirs créatifs, mais les scènes de rue, avec leur côté très vériste, qui font contrepoint aux scènes d'intérieur, où l'intensité dramatique peut aller jusqu'au symbole, tout cela fait des Rapaces une composition symphonique d'une ampleur wagnérienne.

Et pourtant, l'intrigue, malgré ses mini-fictions imbriquées, est assez simple. MacTeague, une grosse brute au grand coeur, fils d'un mineur ivrogne, se découvre un talent de dentiste. Il obtient le coeur d'une jeune ingénue, Trina. Son meilleur copain, Marcus, un bon vivant, s'efface pour lui laisser la belle. Mais lorsque Trina gagne 5 000 $ à une loterie clandestine, l'harmonie est rompue : Marcus devient vindicatif et amer, au point de décider de quitter la ville ; MacTeague s'embourgeoise, puis sombre dans la déchéance lorsque les autorités découvre qu'il pratique les soins dentaires sans diplôme ; Trina devient de plus en plus possédée par l'argent, ressent le besoin de caresser son or, de dormir nue avec. Tout se termine par un assassinat et deux cadavres dans Death Valley.

C'est comme "L'aurore" de Murnau, un de ces miracles des années 1920 qui associent naturalisme, symbolisme élégant et une noirceur intense (peut-être plus intense encore ici). On retiendra notamment les inserts avec des mains qui caressent des pièces colorisées en or. Le thème, il faut le dire, avait tout pour déplaire à l'Amérique insouciante des roaring twenties.

Un beau classique mutilé, qui donne envie de connaître mieux le moins bien connu des pères fondateurs du cinéma.
zardoz6704
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le 4 avr. 2014

Modifiée

le 4 avr. 2014

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