Dans mon référentiel, il est très difficile de dissocier les deux films de Chantal Akerman, d'un côté "Jeanne Dielman, 23, Quai du Commerce, 1080 Bruxelles" avec Delphine Seyrig (1975) et de l'autre "Les Rendez-vous d'Anna" avec Aurore Clément (1978). On pourrait d'ailleurs y voir les deux faces d'une même pièce dédiée à un portrait féminin, particulier ou universel, avec deux variantes portées sur des considérations d'immobilité et de déplacement.


Cette deuxième incursion du côté d'Anna, jeune cinéaste d'une trentaine d'années (doit-on y voir une composante autobiographique cette fois ?), en est donc la version road-movie, ou railroad-movie est-on tenté de dire tant les deux heures du film sont peuplées d'images de trains qui sillonnent des villes européennes. On en voit défiler, des quais, des wagons, et des paysages, dans une moindre mesure.


C'est sans doute lié au plaisir de la découverte, la première fois que j'ai vu un film d'Akerman (avec Jeanne, donc), mais j'ai moins été subjugué cette fois-ci par le portrait possédant les mêmes caractéristiques en termes de lenteur des traits. La radicalité du parti pris s'est quelque peu estompée, il n'est plus question de faire durer ses plans fixes pendant une éternité, même si on peut dire qu'on est loin de toute précaution à formuler en matière d'épilepsie.


Étonnamment en réalité je n'ai pas trop ressenti ce côté voyage, alors qu'on est censé parcourir l'Europe. Plus une succession d’instantanés. C'est sans doute intentionnel, mais le côté impersonnel des chambres d'hôtel et la grisaille omniprésente de la photographie ont conquis sur le terrain du glacis existentiel ce qu'ils ont perdu du côté du dépaysement. Ce n'est certes pas le propos du film, mais ça a contribué à ce que je m'y perde, pas dans le meilleur des sens. Un peu comme quand on découvre un premier Bresson, j'ai eu du mal avec le style très affecté de la protagoniste, résumé en une chose : l'exemple du téléphone, où elle répond en répétant des phrases entières pour que l'on comprenne bien ce dont il s'agit, mais de manière absolument pas immersive ou pragmatique. C'est con, mais ça me dérange pas mal et ça me sort du film. Il y a quelques notes d'humour par-ci par-là, au milieu du sinistre ambiant, les retrouvailles avec Jean-Pierre Cassel sont marquantes, mais j'ai trouvé le geste un peu trop pesant en termes de dépression, et peu aimable dans ces changements de rythme (longs silences brisés par des dialogues concis).

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le 22 mai 2023

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Morrinson

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