Brynner fatidique, Bronson le glas, God save McQueen...
Vous aviez réussi à me faire douter quand même, chers éclaireurs, avec vos notes bien frileuses, se maintenant entre un 7 affligeant et un 8 faiblard... Il s'agit pourtant là du film qui, encore tout gosse, m'avait fait aimer le western aux côtés de quelques Leone, vu et revu avec un plaisir impérissable. Mais ça faisait un bail, et vos appréciations m'intriguaient, il fallait vérifier ça.
Rien a changé, fort heureusement (même si j'ai eu une petite suée en enfournant la galette). Le lion de la MGM fait sont "Groaar" et les premières notes d'un des chefs d'oeuvre musicaux d'Elmer Bernstein viennent accompagner une suite de noms marqués de rouge. Yul Brynner, Steve McQueen, Charles Bronson, James Coburn, Eli Wallach, Robert Vaughn... Putain de bordel rien que ça ça envoie grave avec cette musique qui te propulse aux cimes enneigées de la jubilation. On pourra faire n'importe quel Expendables en allant chercher n'importe quel type à la gueule cabossée sur n'importe quel ring sanguinolent, on arrivera jamais à la cheville d'un film pareil en matière d'affiche qui tabasse.
S'en suit le placement de l'histoire, bien connue, à base de paysans malmenés et sans le sous et de brigands, bourreaux avides et sans scrupules, avant de laisser pleine place aux héros de l'épopée salvatrice et vengeresse. La scène du corbillard mené au cimetière par un Yul Brynner mortellement placide et un Steve McQueen fidèle à lui même, fougueux et compétitif, suffit à accrocher définitivement pour les deux heures à venir sans le moindre relâchement. La construction de l'équipe assemblant un groupe de gueules mythiques, de la douce brute de Bronson à la force tranquille de Coburn en passant par la tronche de fouine traquée de Vaughn, reste terriblement savoureuse, jonglant entre tension et exultation pour ces figures emblématiques auxquelles on voue très vite un attachement sans égal. La mise en scène de Sturges est d'une grande efficacité et garde un rythme sans faille du début à la fin, accumulant séquences d'anthologie, des fusillades explosives aux duels au couteau, avec une bonne dose de répliques cultes, le duo Brynner - McQueen, deux monolithes de glace et de charisme pétrifiant offrant quelques dialogues aussi épurés que séduisants. Tous ont leur place et tous ont leur moment privilégié, leur tronche révélée et leur personnalité bien forgée, et ces deux petites heures donnent la juste impression enivrante du passage furtif et jouissif d'une pelletée de légendes amusées.
Bien entendu, il me faut repréciser ici l'évidence aux vagues teintes d'inutile, il s'agit d'un remake des Sept Samouraïs, information dont j'aimerais bien me passer dans une telle "critique" tant je trouve que John Sturges parvient ici à se réapproprier l'original pour y placer son propre esprit, accouchant d'un film bien à lui, à l'image de Leone avec Yojimbo. Moi, quand je mate les Sept Mercenaires, je pense moins à l'oeuvre de Kurosawa qu'à La Grande Evasion, à mon sens son chef d'oeuvre, que je mets sans hésiter une seconde dans mes films favoris. Pas seulement à cause d'un casting assez proche, mais aussi par cet envoûtant sens de la narration qui place une intrigue tragique sur un ton frivole où le sang et la mort deviennent autant sujets de remords que de rire. Les Sept Mercenaires et La Grande Evasion, deux sortes de cartoons dramatiques au charme indestructible.
Alors ouaip, moi j'adore ce film et je vais même me permettre la note maximale, parce-que je n'arrive pas à m'en lasser. Ces acteurs, cette musique, ces décors studio et plaines arides, cette alchimie parfaite entre ces noms qui claquent, chacun trouvant pour un temps sa place au sommet... Dommage qu'on le qualifie bien trop souvent de "simple" remake, parce-qu'il s'agit bien là d'un chef d'oeuvre unique.