Les sept samouraïs est un film exigeant de par sa longueur rebutante d’abord et ensuite par sa lenteur rompue seulement par quelques scènes d’actions peu nombreuses en proportion de la durée du film. Il m’a fallu le revoir une deuxième fois pour mieux entrer et apprécier cette œuvre culte de Kurosawa.
Le film comporte un scénario de base très simple : des paysans sont régulièrement attaqués par de brigands et font appel à des Samouraïs pour les protéger. Mais de cette trame si simple, Kurosawa tire une œuvre complexe et riche aussi bien du point de vue formel que du point de vu du message délivré.
Les sept samouraïs c’est d’abord un chef d’œuvre pictural. Le réalisateur nippon atteint dans ce film la maîtrise formelle : des plans larges aux plans rapprochés, ils sont tous ciselés. Chaque élément prend place pour former un tableau équilibré. On visionne ainsi une véritable œuvre d’art.
Ensuite, Les sept samouraïs est riche en thématiques : contexte social, bien commun et intérêt personnel, relation maître disciple, jeunesse et expérience, peur, mort, romance, cruauté, vengeance. Ces thèmes s’entremêlent sans se gêner, sans donner un goût de surcharge. Là encore, chaque thème est à sa place.
Les deux acteurs fétiche de Kurosawa ne sont par pour rien dans la réussite de ce film. Ils ont tous deux un rôle central et ils sont pleinement investis dans leur rôle respectif : Mifune en « samouraï » rustre, aviné, impulsif, râleur, moqueur mais totalement investi dans cette cause au service de ces hommes qui appartiennent à un milieu d’où il est issu et Shimura, remarquable, en rônin pondéré, bienveillant, intelligent et sage.
Les sept samouraïs, ce sont deux mondes qui se côtoient avec chacun leurs préjugés : celui des samouraïs et celui des paysans. Durant ces jours passés ensemble, ils sont amenés à changer leurs regards. Une scène est tout particulièrement forte, celle où les Samouraïs découvrent scandalisés que les paysans ont vraisemblablement volé les armes et les armures de Samouraïs tués par eux. Kikuchiyo (Mifune) réagit alors avec l’excès qui le caractérise et se révolte contre l’attitude de ses compagnons pour qui être pauvres devrait entraîner l’obligation d’être « saints ». Et il se lance dans une véritable litanie :
Écoutez ! Les paysans sont puants, rusés, pleurnichards, avares, stupides et assassins ! Voilà ce qu’ils sont ! Mais alors ? Qui en a fait ces brutes ? Vous ! Vous les Samouraïs !
Une séquence riche en émotion dans laquelle il leur révèle l’hypocrisie de leur attitude scandalisée ! Que devraient faire les paysans ? Être volés, tués et rester d’innocentes et gentilles brebis ? Incapable de mal ? Eh bien non, ce n’est pas ce qu’ils sont. Les samouraïs réunis pour sauver ce village, ne sauvent pas un groupe de « saints », mais des hommes et des femmes malmenés par la vie, médiocres et qui font ce qu’ils peuvent dans les conditions de vie qui sont les leurs. Plusieurs séquences du film se chargeront d’illustrer et confirmer ces propos de Kikuchiyo. Bien d’autres scènes sont riches en émotion et en densité dramatique. Mais le film est riche aussi en humour et en poésie.
La deuxième partie du film comprend davantage d’action lorsque commence le combat des villageois contre les 40 brigands qui les assaillent et qu’ils doivent tuer un par un pour retrouver leur liberté. Ces scènes de combat donnent une impression générale de « brouillon », les paysans ne sont pas de véritables guerriers. Pourtant pour réussir à tourner de telles scènes, cela demande une grande précision et préparation; derrière l'anarchie des séquences il y a un travail de fond. Donc ici, pas de combats « élégants », mais des combats anarchiques durant lesquels la pluie se plaît à apporter son grain de sel pour rendre l’action encore plus chaotique et bien boueuse!
J’ai eu plaisir à revoir ce film dans lequel on perçoit la maturité acquise par Kurosawa au long de ces années. Un film qui a atteint un statut d’œuvre culte bien mérité.