Considéré comme un chef-d'oeuvre du cinéma japonais, croulant sous des moyennes incroyables et recevant une flopée de critiques dithyrambiques, les Sept samouraïs fait indéniablement partie des films majeurs de ce pays, mais je ne suis pas en totale admiration devant ce film, contrairement à beaucoup de gens, il faut nuancer un peu.
Je l'ai vu il y a très longtemps lorsque j'étais presque un adulte, il était alors présenté dans une version tronquée de 1h40 et se présentait comme un film d'action pure ; c'est en 1980 que le film retrouva sa durée d'origine de 3h20, et j'ai dû le découvrir ainsi entre 1985 et 1987 en VHS. Cette version est donc respectueuse mais franchement elle ne me satisfait qu'à moitié, d'où ma note qui reste quand même relativement bonne. En effet, la version de 3h20 transforme le film tel que l'a voulu Kurosawa, en fresque poétique et en récit historique. C'est les aspects de la vie paysanne et les relations entre les paysans et ces ronins qu'ils ont enrôlé pour défendre leur village et leur apprendre à se battre, qui sont contés. Le rétablissement de ces scènes est sans doute bénéfique pour l'oeuvre, mais je trouve que c'est très long par moments, il y a pas mal de remplissage. La première partie est un exposé de la situation, puis une présentation des ronins ou samouraïs de fortune, avec leurs comportements, dont celui de Kikuchiyo incarné par Toshiro Mifune, l'acteur fétiche de Kurosawa, qui est un matamore fantasque et ivrogne. La seconde partie se concentre sur l'organisation de la défense du village.
Les contacts établis entre les mercenaires et les paysans suivent un cheminement psychologique empreint d'un humanisme profond et d'une épaisseur à tous les personnages. Tous ces aspects avaient été gommés pour réduire le film et dans la crainte que cette approche lente ennuie un public occidental peu accoutumé aux traditions du Japon ancien. L'action alterne donc avec le rythme campagnard, au contact des hommes de la terre, les nobles guerriers s'humanisent sans rien perdre de leur éthique exigeante, tandis que les villageois connaissent une sorte de contemplation sereine. Et lorsque l'action prend le pas sur le reste, il existe une symbolique qui l'apparente au jeu de go. Ce sont les éléments que j'ai retenu de ce film qui lorsqu'il a été découvert avec le cinéma japonais dans les années 50, avait été qualifié de "western nippon", référence qui devait comme on le sait, se concrétiser à Hollywood par les Sept mercenaires.
Que ce soit dans le western de John Sturges mais plus encore dans ce film historique de Kurosawa, la morale qui en est tirée est la même : les grands vainqueurs de ce récit ne sont pas les samouraïs, qui ont trouvé leur accomplissement dans la mort, mais les paysans qui en recueillent une harmonie et une spiritualité.
En dépit des réserves que j'ai émises, je respecte évidemment ce film qui a contribué à faire connaitre le cinéma japonais, c'est l'un des plus célèbres, mais aussi il fascine et surprend par sa chronique réaliste des moeurs du Japon médiéval où les rapports d'échelle sociale ne sont pas folkloriques mais bien réels, de même que la direction d'acteurs et la mise en scène sont précises et efficaces, avec des séquences de combats filmées sous plusieurs angles à l'aide de plusieurs caméras, et un montage rapide accélérant l'action : technique et poésie se côtoient donc pour donner à ce film une intensité et du mouvement au contraire de certains autres films japonais de la même époque qui étaient lents et stylisés.