Qu’est-ce qui peut bien amener Cristi (Vlad Ivanov), un flic corrompu, à la Gomera pour y apprendre un langage codé ? On ne le saura jamais vraiment dans ce film digressant sur l’omniprésence de la corruption en Roumanie dans un amas de références à différent genres cinématographiques.


Il y a une belle idée à la base de ce film : réinventer le film de truands en les faisant parler le Silbo. Ce langage sifflé typique de l'île de La Gomera aux Canaries est ainsi utilisé par un groupe de mafieux pour mieux échapper à la surveillance omniprésente de la police. L’histoire alterne les flashbacks éclatés entre les Canaries et Bucarest et le film se compose de chapitres, chacun dédié à un personnage. Cette structure narrative non-linéaire n’est pas sans rappeler celle chère à Quentin Tarantino. Bien que maitrisé et parfois intéressant, le cinquième long-métrage de Corneliu Porumboiu (12h08 à l’est de Bucarest) manque toutefois de panache pour complètement captiver. Certes, la forme est amplement maitrisée. On y retrouve une photographie somptueuse, une distribution au diapason avec les personnages et une réalisation rigoureuse, même si parfois, elle étale ses nombreux clins d’œil cinéphiliques de manière un peu poussive. Le problème vient plutôt d’une intrigue nébuleuse dans laquelle les motivations des personnages restent obscures. Telle l’utilisation du Silbo rapidement laissée à l’arrière-plan du film, le spectateur se sent lui aussi abandonné en cours de route face à ces histoires de mafieux qui se trahissent les uns les autres pour récupérer un magot. On devine bien que c’est davantage la chronique d’un état Roumain complètement gangréné par la corruption qui intéresse le réalisateur, mais l’exercice devient un peu vain lorsqu’il est soutenu par des figures pour lesquelles il est difficile de se sentir concerné. Le personnage principal de Cristi est symptomatique : malgré l’effort pour donner un certain profil à ce flic corrompu, rien n’explique ou ne justifie son implication dans cette affaire. Difficile dès lors de frémir un tant soit peu devant les péripéties et autres menaces qu’affronte ce ripou, d’autant plus qu’il n’évolue pas d’un iota entre le début et la fin du film. Seul Gilda (Catrinel Marlon), l’archétype de la femme fatale, bénéficie d’un traitement surprenant. Tout d’abord présentée comme sbire secondaire, elle devient le centre de gravité du film au fur et à mesure que l’intrigue se déploie. Ces siffleurs n’en demeurent pas moins un bel exercice de style, même si on ne sait pas vraiment ni de quoi, ni de qui il parle.

el_blasio
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le 14 janv. 2020

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