Les sorcières de Zugarramurdi marque le retour d'Alex de la Iglesia au film fantastique déjanté, ce qu'il fait de mieux, après "Jour de chance", une comédie dramatique pas terrible.
Ce nouveau long-métrage traite de Jesus, accompagné de son fils (dont il a la garde ce jour-là), de Bob l'éponge et d'un soldat de plomb, entre autres,, qui braquent une bijouterie. Enfin, ce sont des braqueurs costumés en ces personnages, plutôt.
L'intro est dynamique, fun, saugrenu, avec une once de violence (quel plaisir de voir Bob l'éponge se prendre des coups de poings), et annonce un très bon délire.
S'enfuyant à bord d'un taxi, les braqueurs qui ont pu échapper à la police vont se retrouver par mégarde dans le village de Zugarramurdi, qui abriterait des sorcières.
Contrairement à la plupart des films de braquages, il y a dans celui-ci la bonne idée d'exploiter le moment de la fuite en voiture, en la faisant durer. Les hommes à bord discutent, même le chauffeur pris en otage, et en viennent notamment à parler de leurs problèmes avec les femmes. Même les policiers sur les traces des braqueurs s'y mettent : "si elle te tient par les couilles, elle te les arrache, d'un coup sec".
Du thème des sorcières, Alex de la Iglesia met en avant l'aspect de sororité, et joue là-dessus pour mettre en scène une sorte de guerre des sexes. Quand on y pense, ça devient presque logique que le film en vienne à aborder de façon un peu décalée l'homosexualité. (l'originalité, c'est quand même d'avoir fait jouer deux sorcières par des hommes, sans que le personnages ne semblent censés être des travestis)
La réplique "Le diable a pas de couilles, il a une foufoune", qui fait juste rire par son absurdité la première fois, prend aussi son sens plus tard, avec ces sorcières qui cherchent à invoquer le réel dieu selon elle, leur "Mère", venue des enfers.

C'est drôle qu'Alex de la Iglesia fasse tenir à ses personnages autant de propos machistes, si l'on tient compte du fait que sa femme joue encore dans ce film. On l'avait découverte dans Balada triste, où son mari la magnifiait, là le personnage de Carolina Bang a un style différent, plus punk/gothique, mais elle n'en reste pas moins sublime. Le réalisateur la rend encore plus attirante qu'elle ne l'est déjà de façon très peu… conventionnelle, dans une scène où se mêlent gore et sexe. J'apprécie, d'autant plus que je m'attendais à ce que le film reste plus sage. Mais il y a aussi cette scène dans les WC glauque et assez hallucinante par son audace.
En la présence de Carolina, les personnages masculins en oublient qu'ils maudissaient les femmes peu avant. C'est drôle de les voir se battre pour elle, tout en étant porteur d'un propos pertinent. C'est tout aussi amusant de voir qu'en faisant de ses personnages féminins des sorcières, c'est à elle qu'on donne le pouvoir ; elles peuvent imposer chacun de leurs caprices à des hommes apeurés.

On voit que grâce à sa notoriété, Alex de la Iglesia a maintenant un peu plus de moyens. Tout le final des Sorcières de Zugarramurdi est terriblement impressionnant ; certes les effets spéciaux et les CGI ont quelques défauts, mais le spectacle est tellement fun et plein d'idées osées que ça importe très peu.
En revanche, le happy end est quelque peu déstabilisant. Et pour un film qui est, en fin de compte, assez léger et innocent (les personnages principaux s'en sortent tous plus ou moins indemnes), c'est bizarre qu'on occulte complètement ce qui est arrivé à ce pauvre type qui a été pris en otage alors qu'il voulait juste aller à un entretien d'embauche ; je suis un peu surpris que les scénaristes n'en aient fait qu'un personnage dont la souffrance était uniquement au service de gags.
Quoiqu'il en soit, j'ai passé un très bon moment devant Les sorcières de Zugarramurdi. Il y a d'excellents gags, et les acteurs sont doués pour jouer la comédie, en particulier Macarena Gomez, qui tient pourtant un second rôle.
Alex de la Iglesia est sûrement un des seuls à pouvoir faire des films pareils (Peter Jackson s'est égaré, avec ses hobbits), et il le fait toujours aussi bien.
Fry3000
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le 4 mars 2014

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Wykydtron IV

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