« Quand les hommes sont morts, ils entrent dans l’histoire. Quand les statues sont mortes, elles entrent dans l’art » (je crois que je vais me souvenir de cette phrase pendant longtemps).
Un petit film passionnant entre un essai d’esthétique et le documentaire politico-historique, voilà ce que ce qu’on vous propose ! Les autres critiques du site se sont surtout attardés sur la dimension politique et historique. En revanche, la dimension philosophique me paraît passer un peu trop vite à la trappe.
Le propos de philo est pourtant passionnant en termes de pensée. Les hommes vivent et meurent. Puis, ils se représentent. Ces objets d’art sont interprétés facilement par leurs contemporains. Or avec le temps, cette mémoire s’efface et c’est là que l’art commence, car l’art commence avec l’interprétation des oeuvres. « Cette botanique de la mort, c’est ce que nous appelons la culture ». Or avec encore plus de temps, les statues meurent aussi et finissent dans des musées. Elles deviennent les traces incompréhensibles de peuples disparues pour toujours.
La critique qui est faite de l’Occident par l’équipe du film est que l’Afrique du XIX-XXème siècle a été muséifier, car sa culture a été pillée voire détruite sauvagement. Comprendre les oeuvres d’Afrique de l’époque devient aussi difficile dans nos musées de blancs que d’analyser une pièce sumérienne de 300 av. JC. Alors que les Africains sont toujours vivants et les Sumériens disparus !
Le film date de 1953 en pleine explosion du phénomène décolonial (rappel : fin de l’Indochine en 1954). Alors, l’oeuvre prend sa dimension politique et rappelle les pillages, les appropriations, les contre-façons, le mépris, etc.. Or le propos du film relève d’une certaine maturité, car on ne tombe pas dans la bête dénonciation sans nuance qui appelle à la guerre mais on rappelle les faits, à savoir : que ce patrimoine est perdu à jamais sans tomber dans le pessimisme et quelles sont les possibilités pour les Africains et Noirs d’Occident :
- essayer de battre les blancs à leurs propres jeux littéralement comme à la boxe ou au basket au risque de devenir leur divertissement.
- créer de nouvelles formes d’art comme avec le jazz.
- hybrider comme avec les églises négro-chrétienne.
Même si le film a une dimension politique, le propos n’est pas purement politique, car on reste dans le champ de la culture.
Seul bémol que je noterai est qu’on met dans le même sac tous les Noirs que ce soit des Afro-étasuniens ou des colonisés. Or un Malien avait en 1953 plus en commun avec un Indochinois ou Algérien qu’avec un habitant de Harlem.