Exercice difficile lorsqu’on est un homme que de critiquer négativement un film traitant frontalement du féminisme sans se faire taxer de sexiste à la moindre incartade. Aucun avis négatif n’ayant été rédigé à l’heure où j’écris ces lignes, je m’y risque.
A bien des égards, Suffragette m’a rappelé 12 Years a Slave que je n’avais pas aimé non plus (décidément, je suis un sacré connard). En effet, l’un et l’autre sont conçus uniquement pour décrocher un maximum d’Oscars et moi, ça me dérange. Les points communs sont multiples : histoire vraie sur un sujet suffisamment sensible pour que toute critique négative soit vue comme un acte de gros facho/réac, casting d’acteurs et actrices de haut vol même pour des rôles de moins de cinq minutes (coucou Meryl Streep), musique et scénario tire-larmes comme pas possible et surtout, SURTOUT, un manichéisme outrancier pour bien caresser dans le sens du poil une opinion qui se pliera docilement au politiquement correct pour ne pas passer pour des fieffés salauds.
Rappelez-vous, dans le film de Steve McQueen, tous les Blancs (sauf Brad Pitt bien sûr) se situent à un niveau plus ou moins élevé sur l’échelle de la cruauté sans nom. Dans le film de Sarah Gavron, les hommes se débarrassent de leurs propres enfants, violent des adolescentes, rabaissent les femmes autant qu’ils le peuvent, les battent, les rejettent, etc, etc. Tous, à l’exception du mari d’Edith qui sert un peu (beaucoup) de caution, rivalisent d’inventivité pour les humilier encore et encore. Alors oui, les Suffragettes ont dû se battre aussi bien physiquement qu’idéologiquement pour obtenir le droit de vote ; oui, les hommes ont longtemps refusé de leur accorder ce droit ; oui, leurs droits étaient grandement inférieurs à ceux des hommes ; oui, c’est injuste ; mais non, je refuse de croire que 99.9% de la population masculine se levait chaque matin avec pour unique but d’humilier autant de femmes que possible.
A mon sens, Suffragette se tire une balle dans le pied en adoptant ce point de vue qui situe hommes et femmes comme des ennemis. Je sais, je n’y étais pas, je ne peux pas savoir. Mais tout comme je ne peux pas croire que le loisir favori des Blancs était de maltraiter des Noirs à longueur de journée, je ne peux pas être réceptif à Suffragette. J’ai peut-être tort, peut-être que c’est ce qu’il y a de plus fidèle à la réalité, mais ça me parait trop gros, trop peu nuancé pour être vrai.
Au-delà de cet aspect, le film est très académique puisque venu pour récupérer une ribambelle d’Oscars. C’est d’une certaine façon un gage de qualité comme un gage d’ennui. Les comédiens, et surtout comédiennes, font le travail mais ne nous transportent pas non plus à part peut-être Helena Bonham Carter, la réalisation est propre mais de facto un peu ennuyante.
Si le combat des Suffragettes mérite clairement un coup de projecteur, il mérite aussi un meilleur traitement. Nous étions une bonne cinquantaine de personnes dans la salle, et en tout et pour tout deux hommes : c’est dommage mais aussi révélateur du chemin que nous avons à parcourir, nous les hommes. Ceci dit, pas sûr qu’on progresse en opposant ainsi les deux sexes…