Le fait divers a bien fait parler de lui, et cette histoire méritait bien une adaptation cinématographique (un peu plus fidèle que Yéti en tout cas). Le résultat offre une version très lisse des faits, avec toutefois le charme des films d'aventures à l'ancienne. Les décors enneigés sont bien exploités et l'évolution de la topographie des lieux, suivant les chutes de neige et les petites constructions des survivants, facilite l'immersion. La survie des protagonistes est toujours mise en avant, d'où une certaine intensité même quand le rythme tombe à plat (les redondances des excursions). Le film passe par plusieurs temps forts sur lesquels il prend des positions que l'on peut débattre, ou qui témoignent d'une certaine ambition pour l'époque.
La scène ambitieuse, c'est le crash aérien. L'ambition du film est de nous le faire vivre à la fois de l'intérieur et de l'extérieur de l'appareil. De l'intérieur, pour l'époque, ça coince sévère. On aperçoit bien trop le fond vert et les débris qui se détachent par morceaux bien distincts sont assez grossiers. La scène est techniquement très ambitieuse mais apparaît comme datée, alors que les extérieurs de l'avion pulvérisé, même si ils défient les lois de la physique (un avion sans aile droite ne continue pas d'aller tout droit), sont eux réussis et impressionnants.
Les blessures et autres dégâts physiques s'aventurent à plusieurs reprises dans le gore. Suffisamment pour que l'on prenne conscience de la gravité de la situation et de la pression sur les rares étudiants en médecine présents sur le vol.
Enfin, que dire du traitement du cannibalisme ? C'était là l'axe thématique central du film, alors quel angle a-t-il pris ? Celui de la simple survie et de la dédramatisation. C'est un peu sur ce point que le film m'a largué. Il a complètement dédramatisé la situation, en bouclant en 10 minutes chrono tous les arguments et contre-arguments moraux sur la question, et dès le lendemain en montrant le chef de groupe couper un lambeau de chair dans une fesse non identifiée et voir les suivants faire de même. Et à partir de cet instant, le quotidien revient, avec un peu d'humour et de légèreté pour égayer la survie. Autant dire que je ne suis pas vraiment satisfait par ce traitement, qui évacue de façon quasi surréaliste le glauque, et finalement nous filme une paisible communauté vivant entourée de cadavres sur lesquels elle va piocher de quoi subsister chaque jour. Avec un autre très gros point négatif, que le scénario évite consciencieusement d'aborder. En effet, à partir du moment où nos survivants se mettent à manger des corps, plus aucun problème de nourriture n'est jamais évoqué. Comme si les réserves devenaient illimitées, alors que le nombre de corps est très restreint à l'écran, et que la précarité de la situation est toujours d'actualité.Le fait aussi que la nécessité d'abréger les souffrances d'un blessé pour aussi se repaître de ses chairs soit absente confirme le fait que le film ne voulait se focaliser que sur un seul dilemme et surtout l'alléger pour ne pas plomber l'aspect divertissant et d'aventure à l'ancienne du film. Cette légèreté lui nuit un peu, car la dureté des conditions de survie se ramollit peu à peu, jusqu'à l'inévitable final de sauvetage promis. Sauvetage où l'on voit nos survivants s'étreindre au milieu de cadavres à peine entamés sur une musique bien joyeuse. Le film n'a donc pas su doser le côté dramatique, et l'a consciemment sabordé (les corps ne sont volontairement plus identifiables, quasiment enfouis sous la neige, pour effacer tout souvenirs de la personne et déculpabiliser nos survivants, alors qu'il y a toujours des corps de parents et d'amis). En résulte un divertissement lisse mais gentiment appréciable.