Même si l’on respire à pleine bouffée le doux parfum des années 80/90 dans ce film parfaitement dans son jus, son visionnage ne reste malheureusement qu’une regrettable épreuve pour les yeux et les oreilles. Premier film de l’une des grandes franchises de cinéma les plus osef de tous les temps, LES TORTUES NINJA a au moins la décence de tenter quelque chose. Ça n’a pas marché. Mais ils ont essayé.
Oui, faire exister ces grosses tortues dans des costumes patauds et aux traits grossiers est un pari compliqué. Mais le naufrage est très plaisant à regarder. Dès les premières scènes, on comprend qu’il est en fait physiquement impossible pour elles de manger une part de pizza, vu que leur bouche ne peut faire qu’un seul mouvement, mais on accepte quand même. Difficile aussi de croire que l’une d’entre elle passe inaperçue dans la ville en portant un imperméable et un chapeau. Bon, ok. Mais quand on comprend qu’un gros rat en peluche qui bouge à peine les yeux les a recueillies toutes petites et leur a appris à parler anglais et à maîtriser l’art du kung-fu, on peut être en droit de trouver tout cela légèrement tiré par les cheveux, tout de même. C'est plus facile à accepter en animation qu'avec des espèces de créatures en latex beaucoup trop perturbantes.
La piètre qualité des costumes ne nous aide pas à leur accorder la moindre personnalité. Si l’on ajoute à ça les lumières dégueulasses qui habillent le film, nous empêchant parfois de distinguer le bandeau rouge du bandeau orange, il est souvent compliqué de distinguer les personnages entre eux. D’autant que leur personnalité est en fait peu développée, à l’exception de l’une d’entre elle, plus bagarreuse et revêche. La quasi-totalité des blagues tombent à plat alors qu’ils sont la motivation principale de la majorité des lignes de dialogue. Il faut dire que cette histoire est tellement bêbête qu’elle pourrait être comprise sans problème si les tortues étaient muettes. Ç’aurait presque été plus joli, plus poétique. Car les voir parler est un supplice. Rien n’est vraiment synchro, même les Guignols de l’info faisaient mieux alors que c’était en direct.
Dans une sorte de Gotham City peu inspirée où les enfants font la loi, menés par le bout du nez par l’impitoyable samouraï iconique du dessin animé, Shredder, dont la planque (assez cool pour le coup) regroupe tout ce dont rêve un gamin des années 90, une journaliste locale – ramenée toutes les trois minutes à un statut de jolie femme, parce que sexisme, mais surtout parce que scénario nul – est agressée puis sauvée par les tortues qui la ramènent dans leur planque.
Là vient alors la scène la plus dingue du film qui m’a fait avoir un immense fou-rire dont je me rappellerai toute ma vie et qui constitue selon moi la principale bonne raison de voir cette merde. Elle se réveille donc dans une cave, entourée par 4 grosses tortues parlantes en latex portant chacune un bandeau de couleur différente et un prénom d’artiste italien. Vient alors un rat géant dégueulasse et à l’allure complètement défoncée qui s’approche pour lui dire « n’aie pas peur, on va tout t’expliquer ». Le premier degré hallucinant de cette scène me tord dans tous les sens encore aujourd’hui. Le simple fait d’imaginer le rat avec un œil à moitié fermé et dont la bouche n’est pas synchronisée avec ses paroles tenter d’expliquer le concept des tortues ninja à une femme qui se réveille en panique dans un sous-sol glauquissime me fait hurler de rire. L’explication n’est pas vraiment montrée, on a juste le droit d’imaginer comment le rat s’est débrouillé pour raconter cette histoire en la rendant la plus crédible possible. Et c’est savoureux. Evidemment, elle comprend tout, car c’est sans doute très bien expliqué, alors elle les invite chez elle. Tranquille.
L’autre génie comique du film est son échec absolu à nous faire avaler ses scènes de combat ridicules. A l’exception de quelques brefs plans de sauts et de coups de karaté qui miraculeusement paraissent réels, il est parfaitement impossible de croire une seconde que ces gros boudins verts soient suffisamment agiles pour foutre une raclée à des sbires surentrainés. Ils osent quand même le coup classique du champ-contre-champ-disparition à la Batman pour nous faire croire que ces tortues sont tellement agiles et discrètes qu’elles peuvent s’éclipser en une seule seconde de sous une table sans faire de bruit, ou simplement capables de se planquer dans un petit appartement quand un invité non-désiré improvise une visite imprévue. Elles sont quatre, elles sont énormes, elles sont balourdes, mais elles peuvent ne pas se faire remarquer par un type qui entre en furie dans toutes les pièces. Trop fortes.
La meilleure scène de combat arrive à la fin du film. Quand le fameux Shredder, dont on nous fait monter la sauce pendant 80 minutes, le terrifiant méchant qui bat les 4 tortues sans la moindre difficulté comme si elles n’étaient soudainement plus capables de rien (déjà plus réaliste qu'elles se fassent défoncer), va affronter le rat géant, Maître Splinter. Le duel au sommet, littéralement, puisqu’au sommet d’un building (on sait plus trop comment on est arrivé là). Après une révélation scénaristique débile, inutile et totalement attendue par le spectateur dès le début du film, le majestueux vilain casqué se met à courir comme un dératé sur le vieux rat(-sta) qui, sans bouger, lui met un petit coup de katana où je ne sais quoi (un insert de moins d’une seconde qui ne nous permet pas du tout de comprendre la scène) et se rétame comme une merde. Chute mortelle. Fin de l’histoire.
Et tout cela termine dans un éclat de rire. Allez à plus dans l'bus.
Gloire aux costumes foireux. Gloire aux Muppets. Gloire aux rats. Gloire à Anne Hidalgo. Gloire aux nanars des années 90.