The Dark Angel
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le 2 mars 2022
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BOOM
Voilà un blockbuster qui sait tenir notre haleine. Déjà parce qu’il mêle plusieurs genres, entre autres celui du thriller psycho à la recherche d’un nouveau fou furieux et ses trois coups d'avance. Un fantôme fincherien à la Zodiac sème le trouble dans une ville moite et acide. La chauve-souris-poids-lourd semble directement visée. Pourquoi ? Tous les codes sont convoqués, pas pour faire de la figuration ou du clin d’œil : le mystère tient la route et appelle notre fascination. On envisage les pistes, on croit le héros intelligent, on sait très bien qu’il se fait berner, mais on ne baisse jamais la garde par peur de rater une goutte de pluie.
Voilà un blockbuster qui n’est pas une bande-annonce de 3 heures. Déjà parce qu’il traite d’un sujet au lieu de dérouler des scènes fonctionnelles ponctuées de phrases iconiques par-dessus du Hans Zimmer au rabais. Pas de second degré à la « on n’assume pas trop d’être badass lol » avec des méta-punshlines de sitcom américaine, pas d’opportunisme new age où l’on fait semblant de déconstruire notre héritage boomer pour plaire à des influenceurs incultes. Pas de facilités scénaristiques sur la prise de conscience du héros (« en vrai c’est pas très cool de tuer les gens »), de point de non-retour au pied du mur (« ah la tuile, je suis obligé d’aller casser des bouches mais c’est vraiment parce qu’on m’y force »), de résolution débile à laquelle personne n’avait pensé (« le seul moyen de le détruire, c’est lui-même en fait »). Ce n’est pas une origin story au sens où la reçoit d’habitude : ici on s’intéresse à la naissance idéologique du personnage, pas à sa simple naissance identitaire. Et c’est vachement plus intéressant. On regrettera une romance un peu snobée par le scénario, de petites longueurs et une fin très "cahier des charges".
Voilà un blockbuster qui parle de son époque. Au-delà du futile et de la première idée qui nous viendrait à l’esprit pour qualifier ce début de décennie, on nous présente une masse d’individus en quête de la précieuse information cachée, en proie à une haine qui grandit au même rythme que la méfiance face à une adversité dominante, l’hostilité envers des décideurs d’un âge belliqueux et dépassé, coupés du monde qu’ils exploitent, le creusement exponentiel entre les différentes couches de la société, le tout menant à l’idolâtrie de la voix prophétique, de l’idée à contre-sens, de l’incrédulité insolente, d’un rêve collectif et bientôt assumé de cassage de gueule en règle de l’oligarchie. Parce que la violence, après tout, pourquoi pas. Résolument politique, The Batman profite d’une caractéristique précieuse et pas toujours exploitée de son personnage principal : sa position sociale de blanc privilégié prenant la défense de ceux qui ne sont rien et qui lui pisseraient bien dessus après avoir traversé la rue pour trouver un emploi. Son identité publique est devenue la proie de son identité secrète : à quel point s’est-il gouré pour être devenu cette espèce de modèle terroriste ?
SPOILER
La scène de confrontation entre Batman et Paul Dano est brillante. Le héros comprend à quel point il a tout faux sur le sens de son action. On est berné avec lui. Fini le petit gosse de riche et son malheur de château, qui fait joujou avec sa tune en se prenant pour on ne saurait quelle punition divine pour croire que la justice se fait dans l’ombre et aux dépends de toute morale. Tout ça pour apprendre que c’est sa classe sociale, son milieu, son père, son histoire qui amènent le vent de la violence, qui multiplient le crime par deux. Résultat ? Il donne de l’espoir, lui et son masque, à toute cette haine se rêvant fourches brandies aux portes du fort, prête à couper la tête à la tête. Voilà ce qu’on devient. La vengeance, c’est mal, m’voyez.
Voilà un blockbuster mis en scène. Le découpage des séquences d’action est quasi-parfait, le mouvement est limpide, ça danse bien, le rythme varié, mesuré, les chorégraphies généreuses. Pas de gueule de bois de fin de séance, on est sur du bon cru. Au lieu d’avoir ces gros ralentis dans une bouillie de 3D grisâtre avec des lasers de partout, on suit volontiers s’échanger les coups en temps réel, et des deux côtés. Des plans en mode GoPro viennent pimenter de réel les actions du bonhomme, les effets spéciaux planqués dans l'obscurité permettent une vraie liberté de mouvement quand les ennemis se font nombreux. Rarement des scènes d'action ne m'ont autant figé sur mon siège depuis Fury Road. On prend notre temps, sans sortir une seconde de l’histoire, de ce suspense dégoulinant, de cette ville toujours plus moite, toujours plus acide. Le travail autour de l'atmosphère pesante et désespérée nous colle à la rétine, attribue un côté cauchemardesque interminable au film qui ne nous plonge pour autant jamais dans l’ennui. L’obscurité est creusée, mise en relief, ressort du cadre les ombres, les silhouettes, la vérité. L’œil travaille beaucoup au visionnage du film. Ces 3 heures dans le noir ne se voient pas passer. Seul danger : évitez de regarder le film le matin sous peine de vous retrouver comme un vampire à la lumière du soleil en sortant de la salle.
Enfin, ça vaut le coup ici de souligner la qualité de l'interprétation. Pattinson est excessivement bon dans le rôle, mon Batou préféré. Le reste du cast est rigoureusement parfait, en toute logique parmi leurs meilleurs rôles à tous.
Nan vraiment, allez-y, c’est vachement bien, c'est du cinéma.
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le 1 mars 2022
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