Les Traducteurs (2020) est un whodunit qui allie sur le papier un concept classique, le mystère en chambre close, à un contexte original : il ne s’agit point d’élucider un meurtre, mais de trouver un maître-chanteur faisant fuiter en ligne le dernier tome d’une trilogie culte, parmi 9 traducteurs enfermés dans un bunker.


C’était suffisant pour titiller ma curiosité. Malheureusement, le film se prend magistralement les pieds dans le tapis. Évacuons rapidement quelques « détails » : la réalisation est sans intérêt et les acteurs sont inégaux (Lambert Wilson, que j’aime beaucoup au demeurant, en fait des caisses, son défaut habituel). Ça pourrait encore passer, si l’écriture n’était pas autant à côte de la plaque.


Tout d’abord, et c’est un problème majeur, les personnages ne sont qu’une collection de clichés. Dans les traducteurs on a : la femme fatale, le beau-gosse, le merdeux, la rebelle, la mère de famille, le peureux, le lèche-cul, le vieux prof d’université anar et la fille passe-partout. Ajoutez à cela une secrétaire-larbin, un auteur mystérieux et un méchant éditeur capitaliste-sans-âme, et saupoudrez de barbouzes russes mutiques. Au lieu de 5-6 personnages bien écrits, on aura donc droit à une bonne douzaine de caricatures dont seuls un ou deux seront développés. 



L’autre problème d’écriture du film se trouve dans sa structure. En réalité, le whodunit ne couvre que les deux premiers actes. Et ce qui me chagrine, c’est qu’il ne se passe pas grand chose. La seule « enquête » consistera à enfermer, puis à humilier voire torturer les traducteurs, pendant que le maitre-chanteur fait son office. Du coup, pour maintenir une tension factice, le film fait des allers-retours horripilants entre présent, passé et futur, complexifiant inutilement l’intrigue.
Au passage, la torture seule pourrait envoyer Angstrom (Lambert Wilson) en tôle pendant un bout de temps. Personne ne semble s’en rendre compte. En somme, je n'y ai pas cru une seconde.


Quand au détour d’un de ces flashforward on révèle le coupable (sans aucun build-up je trouve), le film bascule dans une sorte de sting movie, où on va découvrir son véritable plan, ses objectifs et ses motivations. Et si ces deux derniers sont plutôt intéressants, le plan est quand même sérieusement capilotracté et souffre de facilités d’écritures.


Le code de la mallette du très parano Angström est, comme par hasard, un des plus utilisés au monde, sans compter présents dans les bouquins qu’il a lui-même édité.
L’intérêt d’avoir des complices semble super abstrait… Il n’en avait pas besoin pour prendre le manuscrit, juste pour faire croire que le hacker est à l’intérieur du bunker, mais je ne suis pas sûr de comprendre pourquoi il avait besoin de faire croire cela.
Comment savait-il que la secrétaire serait la première à trouver son ordinateur ?
Le livre qui arrête une balle de pistolet à bout portant ? Mais on est plus au XVIIeme siècle !


Vient enfin le dernier problème : le rapport du film au livre. La peur des fuites rappelle les derniers Harry Potter, les relations entre auteurs me font vaguement penser à L’Affaire Harry Quebert, on voit directement À La Recherche du temps perdu et le Meurtre de l’Orient Express. Mais la plupart des références se rapportent bien sûr au livre fictionnel Dedalus : L’Homme qui ne voulait pas mourir (titre rappelant la trilogie Millenium). Un bouquin à succès « profond », presque mystique. Sauf qu’on comprend pas bien pourquoi. On ne connait ni l’histoire, ni ce qui rend le livre spécial. Du coup, on ne s’identifie aucunement avec ses fans, et les nombreuses citations apparaissent prétentieuses et sans substance. C’est moyen, étant donné qu’il s’agit du coeur du film.


Bref, un bon pitch ne fait pas un bon film, et honnêtement j’ai du mal à lui trouver des qualités. Dommage, même si je n'en attendait rien, je voulais vraiment l'aimer. Inutilement tarabiscoté, pas trépidant, prétentieux, cliché… À Couteaux Tirés (2019) jouait mieux avec les codes du genre, je trouve. Par contre, ça m’a donné envie de revoir The Ghost Writer (2010).

Bastral
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le 3 févr. 2020

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Bastral

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