Comment les Inconnus sont devenus les nuls. Sans majuscule.
« Il est où le cucul ? Elle est où la têtête ? » … Telle est le genre de réplique que nous nous sommes répétés dans notre jeunesse ad nauseam. A l’instar de La Cité de la peur, le film des Inconnus aura su se faire sa réputation de culte au sein de la comédie française, au beau milieu de l’âge d’or de la troupe de comiques. Malheureusement, les âges d’ors ont aussi leur fin. Près de vingt ans ont passé, quelques films plus ou moins réussis ont été faits (de l’insipide plagiat des Visiteurs qu’est Les Trois Mages au très drôle Le Pari), mais surtout la bande s’est séparée. Chacun de son côté aura essayé d’avoir sa carrière, sans succès significatif (malgré les aventures d’un Didier Bourdon chez Ridley Scott, tout est possible). A l’heure des suites et revivals douteux, la suite des Trois Frères pointe donc le bout de son nez.
Comment ne pas avouer, dès la genèse du projet, notre scepticisme ? Néanmoins, nous ne sommes jamais à l’abri d’une bonne surprise, comme en a témoigné outre-Atlantique le revival réussi de 21 Jump Street. Malheureusement, c’est surtout un désastre cinématographique qui attend le spectateur. Le problème n’est pas tant que le film soit mauvais ; pire, il est sinistre.
Une question vitale de la comédie est bien entendu qu’elle soit dynamique. Tout le début des Trois frères, le retour est d’une incroyable lenteur. Les personnages sont de nouveau présentés, vingt ans après leur première rencontre, dans la morosité la plus totale. C’est plat, terriblement plat. Les dialogues ne décollent pas et les sourires sont absents : bilan cruel pour une comédie. Moment introspectif : on se demande si l’on manque d’humour, si l’on est aigri, avant d’être consolé par le silence régnant dans la salle. Premier rire enregistré au bout de vingt minutes.
La descente aux Enfers est ainsi redoutablement longue, d’autant plus qu’on sent les Inconnus terriblement isolés. A contrario des films d’Alain Chabat qui cherche à inscrire son humour hérité des Nuls dans notre actualité via des références et un casting moderne, les Inconnus font leur route seuls. Aucune tentative n’est envisagée pour permettre au film une quelconque réussite, même sur le plan commercial. Certains gags sont recyclés, mais sans aller au bout des choses, on ne peut du coup finalement même pas compter sur un film qui nous sert du réchauffé.
On suit péniblement cette histoire sans enjeux, prétexte à ces fameuses retrouvailles. Les séquences du film semblent s’écrire au fur et à mesure, de manière aléatoire, comme si le scénario lui-même ne savait pas où il emmenait son spectateur. Au cour de l’avancement du film, chacun des interprètes perd plus ou moins de dignité, jusqu’à en mettre parfois mal à l’aise le spectateur.
S’il n’y avait pas le célèbre trio sur l’affiche, Les Trois frères, le retour serait noyé dans la masse de comédies aux allures téléfilmesques. Les raisons de l’échec apparaissent plus que limpide : dès le départ, c’était une mauvaise idée. Inutile d’enfoncer le clou plus longtemps, autant conserver l’image de Campan, Légitimus et Bourdon que nous avions… Les trois frères, le retour… ou comment les Inconnus sont devenus les nuls.
La critique sur Cineheroes : http://www.cineheroes.net/critique-les-trois-freres-le-retour-des-inconnus-2014