C'est que l'on aura bien glosé sur le double programme 2023 proposé par Pathé, entre sauvetage hypocrite du cinéma français et dernière offensive malhonnête pour mieux le couler et le vendre comme on le ferait en braderie le dimanche après-midi.
En vérité, les deux faces de cette même pièce, soit Astérix & Obélix : l'Empire du Milieu et Les 3 Mousquetaires : D'Artagnan se montrent symptomatiques non pas de l'industrie bleu blanc rouge en perdition, mais bien plus de la position du public qu'elle tente de (re)conquérir.
Car il est évident que celle-ci a fait son choix depuis bien longtemps : celui de la tête de gondole que l'on exploite à intervalles réguliers, immédiatement identifiable et touchant le public le plus large dès le premier week-end d'exploitation dans un registre comédie sentant de plus en plus la paresse intellectuelle et le rance.
Car on sait que le registre désuet du film de cape et d'épée n'intéresse plus le public cible depuis belle lurette, n'ayant pas grand chose à faire de son patrimoine historico-littéraire pourtant fascinant. Il n'y a qu'à se souvenir de la gaufre monumentale que s'est mangée L'Empereur de Paris, ou constater amèrement que l'on n'a plus touché avec succès à D'Artagnan depuis Tavernier...
Tandis que les ricains, eux, s'emparent de notre patrimoine sans vergogne pour l'exploiter et le dénaturer, entre anachronisme, lamentable et excès déviants, avec L'Homme au Masque de Fer, D'Artagnan, qui fait les joies de la TNT aujourd'hui, ou encore les Trois Mousquetaires vus par Paul W. S. Anderson.
Le D'Artagnan de 2023 illustre ses grandes ambitions à l'image dès sa séquence inaugurale transparente : ressusciter littéralement le genre et le mettre au goût du jour pour mieux le célébrer, l'exalter, et le vendre sur les canons du cinéma américain.
Un vaste programme, donc, quasi herculéen, surtout que la séance de cet après-midi, ou seulement quelques péquins se sont montrés un peu curieux quand, la veille, on pouvait remplir deux salles avec Super Mario Bros. : Le Film.
Soit un combat déjà perdu d'avance, malgré l'évident panache technique, l'enthousiasme retrouvé devant un film d'aventures en costumes léché, des silhouettes empruntées au western, ou encore de jolis décors investis avec goût. Les combats, quant à eux, cèdent à la mode du virevoltant plan séquence, que certains plumitifs d'aujourd'hui décrètent caca et déjà ringard. Une contribution qui fait avancer le schmilblick. Tousse pour un...
Si quelques entorses à Dumas sont faites, le récit file à cent à l'heure et l'atmosphère séduit, tandis que l'oeuvre est traversée de personnages investis par la fine fleur française, François Civil en tête d'affiche, talonné par un Vincent Cassel buriné donnant vie à un Athos en bout de course et une Eva Green qui accroche un nouveau rôle de femme vénéneuse à son tableau de chasse après Vesper Lynd et Artemisia. Et qui donne plus qu'envie de voir ce qu'elle fera de sa Milady dans un second épisode à sa gloire.
De la belle ouvrage, donc, que ce D'Artagnan. Une adaptation de solide artisan du divertissement. Mais auquel il manque cependant le petit grain de folie, de magie, qui permettrait d'emporter immédiatement l'adhésion du spectateur qui, s'il est ébloui du spectacle, en reste parfois comme un peu étranger.
Behind_the_Mask, pas très fine lame.