L’indulgence critique dont bénéficie ce retour des mousquetaires au cinéma laisse sans voix. Nous pensions le genre du film de cape et d’épée justement enterré ; or, à l’instar du protagoniste principal qui prête son nom à l’épisode ici représenté, il semblerait que l’intention générale soit à l’exhumation dudit personnage et, avec lui, du genre auquel il appartient, de la même façon qu’il retourne la terre dont on l’a couvert pour renaître. Pas de chance pour lui, Martin Bourboulon, responsable du récent Eiffel en 2021, se montre incapable de toute entreprise esthétique et engendre une production dépourvue d’âme, de souffle épique et de style, adoptant des tics de réalisation « à l’américaine » qui ne sont pas sans rappeler ceux de la série Les Combattantes (2022). La musique que signe Guillaume Roussel en est l’exemple le plus frappant : une somme d’emprunts plagiant la noirceur de The Dark Knight (Hans Zimmer et James Newton Howard, 2008), une défilade de crescendos censés incarner la tension grandissante. Et c’est l’entièreté du film qui adopte cette écriture où l’acmé appelle l’acmé. Se diffuse devant nous une longue bande-annonce accumulant des images vides, sans profondeur ni mystère.
Certains vantent le plan-séquence, le préférant au montage charcutier ; c’est sans voir l’inopérance de ce dispositif ici prétexte à une gesticulation incessante de la caméra. L’illisibilité est permanente, augmentée par d’incessantes cavalcades captées depuis un drone, ainsi que par une lumière hideuse qui ne peut concevoir le XVIIe siècle sans pénombre : les filtres, les fumées, le numérique échouent à susciter une impression de vrai, que détruit également la direction d’acteurs, calamiteuse. Eva Green surjoue chaque émotion, exagère chaque geste, persuadée d’accomplir là une suite d’actions ritualisées qui la changeraient en déesse ; Louis Garrel est mauvais en mauvais roi de France, alors que mal jouer exige la plus grande maîtrise ; François Civil témoigne d’une insipidité qu’on ne lui connaissait pas.
Un ratage qui doit nous conduire à redécouvrir les quelques adaptations réussies de l’œuvre de Dumas, raretés au milieu d’une mélasse de productions ridicules : Le Fille de D’Artagnan (Bertrand Tavernier, 1994) pour l’intelligence et le panache, The Three Musketeers (Paul W.S. Anderson, 2011) pour l’aventure loufoque parfaitement exécutée. Méditons la phrase prononcée par Athos, qui sied si bien au film : « mais je prendrai la main gauche, c’est mon habitude en pareille circonstance ».