Après l’honnête succès du premier volet, voici donc la conclusion du diptyque consacré aux trois mousquetaires. Milady reprend les événements où il les avait laissés, et ne tranche en rien avec toute l’atmosphère et la direction artistique générale, l’intégralité de la saga ayant été tournée d’un seul tenant. On remarquera néanmoins quelques efforts consentis dans l’étalonnage et une volonté d’estomper la brunasserie générale pour laisser s’émanciper quelques couleurs, tout en composant quelques plans très picturaux sur les rais de lumière filtrant par les architectures médiévales ou classiques. Pour le reste, les mêmes qualités font de ce volet un honnête grand spectacle à l’ancienne, où le soin de la reconstitution est mis à l’honneur, des costumes à cette superbe virée patrimoniale d’une bâtisse à l’autre, des châteaux brumeux à une citadelle assaillie par la marée. L’ouverture sur la mer, le ciel et les navires du belliqueux voisin apportent un souffle nouveau à une intrigue qui restait plus locale et en intérieurs dans le premier volet, et la gestion des plans de drone dynamise avec pertinence cet élan, que ce soit lors de la course sur les remparts, deux ennemis sur le pilori face à la marée ou le recul sur une cohorte donnant à voir des préparatifs de guerre étendus à une plaine entière.
Le morceau de bravoure (l’assaut de la citadelle) restera assez limité sur le registre épique – on est encore loin d’un Cyrano de Bergerac, mais parvient à combiner quelques jolies trouvailles qui ne perdent jamais de vue les arcs narratifs individuels. L’action reste assez laborieuse, toujours rivée à cette caméra embarquée à l’épaule dans des plans séquence qui, certes, attestent d’un vrai savoir-faire des comédiens/cascadeurs, mais perdent souvent en lisibilité, même si le duel final dans les flammes gagne en puissance lorsqu’il se dilate sur deux niveaux et un jeu asses malin des espaces mobiles.
Le film gagne surtout en richesse dans son écriture, évitant de prolonger les écueils du prédécesseur. Si les dialogues jouent toujours la carte d’un vintage littéraire qui peut laisser de marbre (« Prends garde D’Artagnan, cette femme t’a envoûté ! »), la distribution des personnages s’équilibre davantage, ménageant à Cassel, Marmaï et Duris des espaces où leurs blessures et leur humour peuvent enrichir l’intrigue principale – et le jeu assez limité de François Civil, bien plus à l’aise dans les films contemporains.
Milady, a l’honneur dans ce film, permet surtout à Eva Green de prendre le premier rôle, que ce soit dans les lieux qu’elle vampirise ou les obsessions de plusieurs protagonistes. L’idée de renverser certains rapports de force (physiques, mentaux ou sexuels) ne manque pas de saveur, et contrebalance la romance un peu fade entre les jeunes premiers, et un récit qui multiplie les rebondissements au romanesque suranné. En somme, quelques salutaires efforts pour dépoussiérer une machine qui se doit de rester dans le registre qu’elle tente de remettre en selle, et en salle.
(6.5/10)