Les Trolls 3
4.9
Les Trolls 3

Long-métrage d'animation de Tim Heitz, Colin Jack et Walt Dohrn (2023)

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Trolls est une franchise DreamWorks qu'on adore détester, et qui s'est frayé son propre chemin vers une reconnaissance indiscutable. Malgré que ces films n'ont jamais vraiment eu un succès franc (dû au lancement d'une nouvelle franchise pour le premier, dû au Covid pour le second), mais a tout de même trouvé un public qui su porter les Trolls dans la sphère commun. C'est en grande parti grâce à Justin Timberlake qui a su encrer la licence dans le domaine musical et populaire, à la manière de l'avait fait Pharrell Williams avec Moi Moche et Méchant. Le soucis étant que la licence, du moins sur le premier film semblait trop se contenter de l'image pop qu'a généré Can't Stop the Feeling, et de ne pas chercher outre mesure quelque chose de plus singulier. On a bien les chansons, la couleurs, mais si l'on cherche un propos de fond, c'est rapidement la douche froide. Cependant, lors d'une ère de remise en question, DreamWorks s'est mis à douter, à l'image de Dragon 3 ou même de Baby Boss, où l'idée n'était de s'aligner avec les canons imposés par Disney et Pixar à la même époque. C'est avec Trolls 2 World Tour que le studio commence à manifester les premiers signes d'une affirmation artistique qui engendrera Les Bad Guys, Chat Potté 2, ou encore Ruby l'ado Kraken. A travers une antagoniste qui casse (littéralement la couleur et la pop) dans l'univers de Poppy, DreamWorks fait un ménage drastique dans la licence Trolls (ainsi que dans son style artistique) et va pour imposer une nouvelle ligne: on ne se retient plus. On ose quitter la 3D unique, on va piocher des inspirations nouvelles dans la direction artistique, et on va créer un style unique. Finis les ogres ressemblant trop à Shrek ou la nécessité de revendiquer une personnalité qui pourrait cohabiter, Trolls 2 World Tour prend des décisions, parfois maladroitement, mais impose un vrai univers Trolls. J'attendais un 3e volet car plein de choses restaient à faire à la fin du 2e volet... mais je m'attendais absolument pas à ce film Les Trolls 3 qui, dès les bandes annonces, montrait des choses perturbantes qui laissaient présager d'un Trolls 2.5 en retard. Rien que le retour des Burgens, que j'espérais ne plus jamais revoir au cinéma après la dernière épidémie de Covid-19, ou encore le concept de "frère caché" ne m'annonçait rien de bon. Mais avec le recul, est ce qu'il n'y aurait pas quelque chose à découvrir ?


Il faut prévenir d'entré de jeu, car c'est la plus grosse lorsqu'on analyse et appréhende le film: le film est intense. Les films Trolls ont toujours eu un côté sportif et franchement éreintant. Dans une logique de chaine à clip, les films Trolls ont toujours eu beaucoup de chansons à un rythme soutenu, dans une volonté de toujours être stimulé. Ici, le concept est poussé jusqu'au bout de ce qui est possible de produire de plus rapide, de plus intense, de plus dense, et de plus énergique. On dépasse la simple volonté d'être un simple remuage de clef bête et dégradant, ou même une volonté d'univers pop et cartoon soutenu. On est à un point de charge visuel et sonore qui se rapprocherait à des essais expérimentaux. Le but du film, dans un certain côté, est d'être plus que plus, et de ne jamais pouvoir laisser respirer le spectateur, ce qui pourrait être comparable à la démarche d'un Across the Spider-verse arraché bonbons acidulés. Contrairement à un Across the Spider-Verse qui a besoin d'un minimum d'encrage pour faire tenir un scénario et éviter que les spectateurs ne soit trop dans un trip qui les désintéresserait d'un quelconque récit, ici Dreamworks expérimente ce qui peut se produire lorsque l'on se rapproche le plus possible du trip artistique poussé le plus haut possible. On a la 3D, l'aspect 2D, on a l'animation l'aspect stop motion, mais aussi l'arrivé d'animation de marionnette avec le monde d'un des frères de Branche, on a des phases en pure 2D inspiré du scratch art et de référence psyché parfois perturbante, on a même de l'animation 2D "1D" avec de la fausse animation pixel-art processing,... le film est un melting pot parfois incompréhensible et épuisant à suivre, et cela se traduit au niveau de l'écriture.


Le scénario du film pourrait se tenir sur un post-it tant tout le film met d'abord l'accent sur un ressenti plus que sur une réflexion. Cela vient inévitablement causer des trous et un manque lorsqu'on essaye, à postériori, de décortiquer ce que l'on vient de voir et ce que cela peut raconter. Il est évident qu'avec un tel dispositif, on ne puisse plus avoir le temps de parler ou de développer quelconque réflexion au public, tant l'énergie ambiante prend le pas sur tout le reste. Comprenez moi bien, même en ayant développé le scénario et l'écriture du film, on ne pourrait pas réfléchir plus qu'avec ce que nous propose le film actuellement. On a bien un fond sur la relation fraternelle qui est mise en avant sans réellement porté sur une réflexion poussé, mais c'est le grand maximum de ce que pouvait donner le film. Même en créant un parallèle entre Branche et Justin Timberlake, qui a l'occasion de parler méta-textuellement de sa vie dans les NSYNC (en VF l'effet méta marche tout aussi bien car Matt Pokora a lui aussi eu une carrière dans un boys band), le film n'arrive pas à capter l'attention et à pousser une réflexion car il n'y a pas le temps de développer quoi que ce soit, et s'il devait y avoir du temps, cela serait au détriment de la vibe ambiante. Rien que sur les personnages et leurs présences à l'écran, les compagnons habituels de Poppy et Branche sont amené à disparaitre. Connor (qui avait tout un arc à lui dans le second film, justifié ou non) n'a même pas deux minutes d'écrans, et n'a pas de répliques, tout comme la majeur parti des trolls des précédents films (l'absence de l'intégralité des nouveau personnages du second volet fait tâche). On nous introduit de nouvelles espèces de personnages, à travers des marionnettes ou même les antagonistes du film (qui ont vraiment un style intéressant), mais on a tellement pas de temps de présenter ces populations par rapport à ce qu'ils peuvent apporter au récit que tout est passé en coup de vent.


Malgré tout, le film a beau s'excuser de proposer quelque chose de tellement ambitieux qu'il en devient absurde de critiquer le film sur son scénario, cela n'empêche pas que l'on peut critiquer des inconsistances dans l'écriture que l'on aurait facilement éviter. Déjà le cas des ogres qui posent des questions sur la continuité instauré entre ce film et les films précédents (la chose peut paraitre anecdotique, mais lorsque tout ton cheminement se base sur l'évolution de tout une saga, ça devient un problème), car annihilé scénaristiquement dans le second film, mais aussi Petit Diamand, seul rescapé des Trolls, qui n'apporte pas grand chose et devient très vite saoulant, à l'image de Connor avant son évolution. Enfin les nouveaux venues, qui se limitent presque aux différents frères de Branche, ont très peu d'occasions à être véritablement attachant. La chose est excusable car le rythme est effréné et nerveux, mais cela réduit trop les personnages à des Mac Guffin assez triste qui aurait pu être mieux travaillé pour renforcer le propos sur les relations entre frères. L'un des personnages qui subit le plus le rythme du film reste la soeur de Poppy qui est quasi inexistante pour ce qu'elle peut offrir, et sa backstory est expédié en à peine 2 minutes, à même niveau que la backstory de Branche et ses frères. On en vient à jamais trouver de point d'accroche scénaristique tant tout passe trop vite.


Toute fois, malgré tout le mal que l'on peut dire sur le récit et le propos du film, je ne considère pas ce film comme un mauvais film. Sans doute un sévère syndrome de Stockholm que de penser cela, mais paradoxalement, j'ai trouvé les trolls beaucoup plus attachants et intéressants. Ça a l'air absurde dit comme cela après un long paragraphe où l'on a l'air de démonter le film à la manière de certains démontent Red Notice de Rawson Marshall Thurber ou comment d'autres décrivent l'inquiétante mode des Mashup-movie, mais le film a su me convaincre malgré moi. Le film cherche à faire plus pop et spectaculaire que ses prédécesseurs, dans une volonté d'être plus Trolls que Trolls, et qu'il y arrive de manière intelligente et cinématographique. On avait la surenchère textuelle, avec beaucoup de dialogues rapides, beaucoup d'informations divers donné en un minimum de temps, mais avec les Trolls 3 on passe un cap, car tout se retranscrit même dans la réalisation où tout est une course en avant que l'on regarde comme un sportif cherchant à battre un record du monde. Chacun aura son point de rupture devant le film. Le mien a commencé à apparaitre lors de l'arrivé de la famille marionnette, s'est confirmé lors de la rencontre entre Poppy et sa sœur, et est devenu véridique lors du début de la scène final sur un bateau qui, je pense, a frôlé quelque chose que l'on verra abouti sans doute que plus tard à l'avenir. Le film est une expérience qui m'a convaincu et est très inspirant, malgré que son climax fait retomber le rythme, tant tout est toujours graduellement un excès débordant de générosité. Pour l'une des première fois de toute la trilogie (qui se transformera en saga, je l'espère), j'ai trouvé Poppy et Branche attachant, et même si mon esprit est encore embrouillé au point qu'il me soit nécessaire de revoir le film pour comprendre si j'aime ou non le film, il me reste surtout de l'amour pour ces personnages, cette univers, en espérant les revoir dans une suite aussi pop et délirante que celle-ci.


10,5/20


N’hésitez pas à partager votre avis et le défendre, qu'il soit objectif ou non. De mon côté, je le respecterai s'il est en désaccord avec le miens, mais je le respecterai encore plus si vous, de votre côté, vous respectez mon avis.

Youdidi

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