On entre dans les tueurs par des images d'une grande beauté, une stylisation qui s'impose d'emblée comme un coup de maître. A l'extérieur du diner américain, dans une petite ville qui pourrait être n'importe où, la musique emphatique du maestro Miklos Rosza introduit deux silhouettes noires, dans le plus pur style expressionnistes : leur silhouette en forme de trou noir dans l'image, comme s'ils n'appartenaient pas à cette réalité, qu'ils menaçaient de leur simple présence. La nouvelle d'Hemingway se déploie dans ce diner filmé dans la longueur, plan qui sera repris dans le Blue cat à la fin du film pour nous présenter avec brio le retour de ces mêmes tueurs dans la profondeur de champ. Le procédé de la silhouette est repris lorsque Burt Lancaster apprend qu'il ne pourra plus boxer : sa silhouette s'estompe, il rejoint l'anonymat dont il voulait sortir par son talent de combattant. Un braquage assez central dans le récit sera présenté en plan séquence et mouvement de grue majestueux. La stylisation de Siodmak est partout et éclatante, jusque dans la disposition des personnages dans le champ (ou hors-champ lors d'une scène mémorable), qui suffit à elle seule à nous faire comprendre l'intrigue.

La nouvelle est courte et ne constitue que le prologue du film, qui va constituer en une série de flashbacks déroulant l'enquête d'un agent d'assurance déterminer à découvrir comment on en est arrivé là. Ce schéma de l'ouverture montrant le crime et du film y menant, comme une tragédie puisque l'issue est connue, placerait Citizen Kane comme modèle de nombre de films noirs de l'époque. Est-ce également un hasard si deux films noirs de la même époque commencent de la même manière, à savoir un pompiste reconnu par d'anciennes connaissances?


Concernant les flashbacks, le procédé est maîtrisé, et fait naître même la poésie lors d'une séance en prison, à contempler les étoiles, mais l'un d'entre eux est sans doute le point le plus faible du film : difficile de croire à cette confession involontaire d'un truand mourant, qui rejoue précisément dans son coma les dialogues d'il y a six ans qui intéressent les présents. Certes, le scénario explique en quoi cela a pu devenir une obsession, mais quand même, c'est trop gros à avaler!

Un défaut qui ne gâchera pas le plaisir (troisième visionnage pour ma part), devant ce très très grand film noir. Burt Lancaster y étincelle dans son premier (!) rôle au cinéma, donnant la réplique à Ava Gardner dont on peut dire que c'est également le premier rôle d'importance, et quel rôle!


Un détail amusant, que j'apprends dans les bonus du DVD : Don Siegel, alors très jeune, était pourtant pressenti pour réaliser ce film. Amusant, car il en réalisera une autre version, très différente mais toujours axée sur la nouvelle d'Hemingway, ou cette fois ce seront les tueurs eux-mêmes qui mèneront l'enquête, avides de savoir ce qui fait qu'un homme puisse attendre passivement sa propre mort.

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le 10 déc. 2024

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BigDino

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