Petit film d'aspect rabougri, fait de bric et de broc qui progressivement s'avère plus grand, plus fourni en éléments de belle envergure. Seule la portée et son histoire me laissent un peu de marbre. Pour le reste, je suis plutôt surpris par un certain plaisir qu'il a suscité chez ma pomme.

D'abord, son aspect cheap, presque nouvelle vague française, n'est pas aussi brouillon que ça : beaucoup de cadrages sont de grande qualité et la photographie a quelque chose de nébuleux mais pas dans le sens "amateur", elle signale bien plutôt de l'astuce, de la maitrise. Parfois certains plans proposent un très joli noir & blanc. Le chef opérateur Oliver Wood n'est pas un manchot.

Ensuite, les comédiens sont très bons. Shirley Stoler, dans certaines séquences où elle doit jouer sur des tons très expressifs, dans la colère ou la jalousie, n'est pas très à l'aise. Quelques excès qui ne sont pas trop emmerdants, car elle livre par ailleurs une prestation bien meilleure et par moment bien calculée, donc assez émouvante. Tony Lo Bianco est en tout point excellent. Son personnage est également très compliqué à incarner et il y a réussit pleinement. Il m'a même plusieurs fois impressionné. Ils forment à tous les deux un couple finalement très crédible et c'est là sans doute le principal, surtout que ce n'était pas gagné sur le papier. Ce qui étonne plus encore, c'est que certains des seconds rôles sont tout aussi bons et laissent de fortes sensations, effrayants de bêtise, de naïveté ou bien dans l'horreur quand le couple passe à la vitesse criminelle dans leur course folle au gain.

Toujours est-il qu'on suit cette histoire avec attention grâce à cette continuité dans la mise en scène des comédiens. Leonard Kastle ne cherche pas l'épate. Seules les scènes violentes à la fin du film sont quelque peu grandiloquentes. Notez que c'est toujours avec un à propos logique et dans la trajectoire de ce couple de malades. Ces scènes sont paroxystiques et mettent le spectateur face à la réalité de l'horreur, celle par laquelle les protagonistes se sont laissés happés.

Ce qui m'a un peu ennuyé, c'est que le film est beaucoup trop long. Cette évolution, si elle permet aux personnages de s'installer et se laisser apprivoiser par le spectateur, se développe très lentement, trop sans doute et le film aurait sûrement gagné en puissance à perdre un quart d'heure voire une demi-heure. Ce petit défaut de rythme n'est pas non plus totalement catastrophique.

Reste un film sur un couple très amoureux mais largement fêlé. Leur histoire tirée de faits réels renvoie à une folie à la proximité, au "naturel" dérangeant de vérité. Ma femme m'avait vendu ce film comme une bonne série B. Je reconnais là sa dent dure car c'est bien meilleur, beaucoup plus ambitieux qu'un simple film de série B.
Alligator
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le 2 déc. 2012

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