Les Vengeances de maître Poutifard confirme l’indéniable talent de metteur en scène de Pef, après des adaptation très fidèles (mais inégales) des bandes dessinées Les Profs et Gaston Lagaffe. Nous retrouvons d’ailleurs un découpage en petites vignettes soigneusement colorées et cadrées comme emprunté à l’univers de la BD, alors qu’il s’agit d’une adaptation de littérature de jeunesse (Jean-Claude Mourlevat) : l’appartement des Poutifard mère et fils où le temps semble suspendu dans les années 70, la salle de classe stéréotypée, la ville à l’architecture flamande que la photographie capte avec élégance.
Le principal intérêt du long métrage tient au regard qu’il porte non plus sur les élèves, sujet des Profs, mais sur un professeur des écoles qui a subi son métier davantage qu’il ne l’a apprécié – réalité bien connue mais peu représentée au cinéma, que Pef aborde ici avec ce burlesque qui lui est cher et qui lui permet de traiter un sujet sérieux avec humour. Les moqueries, les manques de respect, les coups bas, tout est catalogué par le premier acte puis répété sous l’aspect de flashbacks traumatiques qui s’incarnent dans la pièce secrète de l’enseignant, véritable base de données où se décante sa vengeance. L’application de cette dernière promet une suite de gags souvent drôles, dont la séquence au restaurant paraît empruntée à The Square (Ruben Östlund, 2017), qui s’emparent de thématiques sociales telles que les réseaux sociaux et leurs influenceurs, la haute gastronomie et sa course autoritaire aux étoiles, la chanson pop sans parole ni voix véritables – mais avec beaucoup de cœur ! – pour mieux, lors d’un retournement de situation, révéler aux instigateurs la vacuité profonde d’une entreprise qui rejoue gratuitement la violence et, ce faisant, l’entretient. La réconciliation dans les coulisses d’un spectacle musical nous touche par sa simplicité et sa brièveté, renvoyant dos à dos élèves et professeur, rappelant aux uns la culpabilité depuis portée et à l’autre la nécessité de savoir pardonner à ceux et celles qui ne restent que des enfants. Cette clausule positive ne condamne nullement le film à l’optimisme, doctrine à la mode aujourd’hui qui rendait le dernier Dany Boon si pénible, mais rétablit un sentiment d’égalité et de justice qui réconforte en ces temps politiques troublés.
Bien écrit et réalisé, Les Vengeances de maître Poutifard bénéficie enfin de l’interprétation réjouissante de Christian Clavier et d’Isabelle Nanty, duo attachant et énergique. Une excellente surprise qui témoigne de la survivance d’un cinéma populaire de qualité, à l’heure où le passable Indiana Jones 5 fait claquer son fouet sans jamais y croire.