"Les Vestiges du jour", sans être une révélation personnelle qui marquera durablement ma cinéphilie, représente assez bien l'idée que je me fais du film anglais-type (comprendre : d'époque, et vaguement dramatico-sentimental)... réussi. Enfin. Après tant de reconstitutions académiques, après tant de mélodrames sirupeux et agaçants, glacés dans leurs considérations assez peu intéressantes qui ne m'émeuvent guère, j'ai l'impression de tenir là un exemple de drame historique contenu et non dénué d'intérêt en dehors du strict registre émotionnel (à savoir, un regard de biais sur l'Histoire à la veille de la Seconde Guerre mondiale).


Il y a tout d'abord dans la mise en scène de James Ivory (que je ne connaissais pas, et qui n'est même pas british, chose que j'aurais jurée à la lumière de ce film) une forme de classicisme savoureux, assez éloigné de l'académisme décoratif qui sert souvent d'écrin vain dans ce genre de productions. Ici, elle offre un décor de choix à la vie du majordome James Stevens au service de ses maîtres, incarné par Anthony Hopkins (très convaincant), une vie filmée depuis la fin des années 50, en regardant en arrière par flashbacks, dans les années 30. Tout le poids d'une existence consacrée à son métier, écrasée (pour ne pas dire gâchée) par les contraintes et les conventions qu'imposent un tel métier. Pourtant, on pourrait dire que Mr Stevens exerça sa fonction à la perfection, dans une stricte application des règles. Trop même, sans doute, et ce sont ces passages qui sont un peu trop appuyés à mon sens, même s'ils donnent à voir des comportements saisissants (cf la scène glaçante, dénuée d'émotion, au cours de laquelle son père meurt). Mais le film parvient à retranscrire très habilement cette vision mélancolique de l'existence, constituée de remords multiples et éternels, une histoire personnelle que l'on observe à l'état de ruine au moment du récit. Une forme de violence très singulière, aussi détournée que puissante.


C'est un exemple fort de film au classicisme patent qui ne sombre pas pour autant dans un académisme ronflant. L'autopsie qui est faite de l'échec et des regrets confère au film une dimension crépusculaire mais sobre, doublée du parfum singulier des histoires personnelles concourant à l'Histoire globale de manière indirecte, et ici en l'occurrence les tourments de l'Europe à la fin des années 30 et l'avènement de l'Allemagne nazie. James Ivory place sa caméra à l'intérieur d'un microcosme aristocrate, un monde clos partagé entre bonnes intentions trompées et aveuglement coupable. Jamais la mise en scène ne se fait étouffante, jamais les émotions ne se font trop fortes. Il est question de tragédie, d'humiliation, de drame sentimental (et on appréciera, encore une fois, les qualités d'actrice d'Emma Thompson) et psychologique, mais le tout est exécuté avec une retenue particulièrement appréciable. Chose on ne peut plus rare dans ce registre...


[Avis brut #60]

Morrinson
7
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le 4 mars 2016

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Morrinson

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