Dur de voir des acteurs que j'aime dans une adaptation d'une BD que j'aime tenter de surnager dans un naufrage.
1°) On a déjà vu ça mille fois. Dix mille. Depuis au moins quarante ans. Ce film se présente de flanc à tous les gens qui critiquent bêtement les «comédies françaises». Pourtant, pour une fois, difficile de leur donner tort. Les clichés esthétiques des «films de vieux copains» s'accumulent. Même les perles anciennes et à juste titre fameuses telles que «Nous irons tous au paradis» semblent résolument originales et actuelles au regard des Vieux Fourneaux, version cinéma.
2°) L'explicite. Baisse le son. On n'est pas trop idiots, en tous cas juste dans la moyenne nationale. On a bien compris quand une scène est émouvante. C'est pas la peine de piétiner le spectateur et le jeu des acteurs avec un piano et des violons au taquet. Merci. On est autonomes sur ce genre de choses.
3°) Le registre. On est dans le merveilleux ou quoi? Parce que au début on dirait que non, et puis y'a des touches oniriques en plein milieu du discours «nous on a bien les deux pieds sur terre». Fallait se décider entre les deux. En l'absence de choix, on arrive à des scènes tellement ratées, à des fantaisies hésitantes et inabouties. Mais merde bonhomme, t'as une brochette d'acteurs hors norme: fais-les juste jouer. Pas besoin de rendre tout si terriblement explicite de tous les côtés. Roland Giraud, il sait faire le gars devant l'usine qui se souvient du passé. Par excemple. Suffit de lui demander.
4°) Le rythme. J'ai une affection infinie pour Henry Guibet, mais faut être honnête: pendant toute la séquence Garan-Servier, le gars qui était à la batterie, il a oublié de venir tenir la rythmique.
5°) Le propos. Parce que le propos social du film est complètement englué dans sa lenteur. Parfois, oui, certains personnages se réveillent pour remplir le cahier des charges. Parce que le très intéressant décalage entre une vieille génération militante politique et une jeune génération plus soucieuse de problèmes écologiques globaux est passionnant, c'est bien triste de le voir traité ainsi par dessus la jambe.
6°) Ce qui marche en BD ne marche pas à l'écran. Respecter l'esprit, c'est noble. Respecter la lettre, c'est souvent assez bête dans une adaptation cinématographique. Oui, en BD, superposer deux époques dans un décor peut très bien fonctionner. Non, au cinéma, surtout dans le cadre réaliste de la comédie française, non, ça ne marche pas du tout. Bon dieu, une dernière fois, tu as entre les mains des acteurs en or, exploite leur talent, ne les laisse pas comme ça au bord de la route! Tous les effets, ils savent les faire juste avec le verbe, le jeu, le geste, alors bon sang! Fais-leur confiance!
Au final, très très grosse déception, alors que j'aime d'amour le trio d'acteurs et la BD d'origine.
Tu me diras, ça m'aide pas à être objectif.
Je te dirai: tu as raison. Mais je m'en fous un peu, puisque je ne suis pas objectif...