J'aime pas mettre un titre
Voilà un film qui me fait dire, en tant qu'historien de formation, « que les historiens arrêtent aussi cinq minutes de nous les casser ».
J'ai lu à droite à gauche que les historiens avaient chipoté leur mère parce que y'avait plein de choses un peu grosses comme ma bedaine dans ce film. C'est vrai, mais bon, il faut parfois savoir sortir de sa spécialité et voir les intentions des gens avant de juger le résultat.
Le but ici est de montrer les fraternisations qui se sont produites sur le front de l'ouest pendant la Première guerre mondiale. Le réalisateur plante donc son décor quelque part sur le front, faisant se côtoyer Ecossais, Français et Allemands, sur fond de Noël 1914.
Le film est super narratif, il ne faut pas s'attendre à des rebondissements incroyables. L'action se déroule sur à peine 48 heures. Les acteurs sont crédibles, plus ou moins, mais j'ai été assez surpris de la prestation en second rôle de Dany Boon, qui se démmerde tranquillement dans son rôle d'ordonnance Ch'ti du lieutenant français. Ce qui est vraiment intéressant, c'est le surréalisme à priori des images, la façon dont le lien se noue entre les combattants, des officiers français, écossais et allemands assis en plein no man's land pour se prendre un café en discutant de tout et de rien. Des uniformes que l'imagerie traditionnelle et le cinéma ont toujours opposé. C'est vraiment chouette à voir. Et puis on sent combien la situation est fragile, combien ça peut partir en couille facilement, la réalisation invite carrément à se penser à leur place, et quand on sait que de toute façon ces poignées d'hommes vivent un instant magique au milieu d'une boucherie sur laquelle ils n'auront aucune prise, on se demande presque si certains n'ont pas pensé par la suite, prêts à tirer sur les ennemis, s'ils n'auraient pas préféré que ça n'arrive pas. Faire tomber la notion d'ennemi pour la faire glisser sur celle d'humain, avec l'unité que cela suppose, c'est particulièrement inconfortable, il est bien plus simple d'avoir un ennemi. On voit aussi comment de l'avis général, les officiers supérieurs sont unanimement méprisés par les soldats, leurs sous-officiers, et les officiers qui jusqu'au grade de lieutenant, parfois capitaine, partagent la vie du simple soldat. C'est curieux car c'est triste, vraiment triste et mélancolique de voir ces homme décider de cesser de s'entretuer, car ça ne fait que relever le fait qu'autour d'eux, on continue de s'étriper par dizaines de milliers. Et on sait décidément que le rouleau compresseur ne va pas tarder à tourner la tête vers ce bout de terrain soudain en paix, on sait aussi que c'est un instant hors du temps, que ça n'a pas existé, et que pourtant ça s'imprime dramatiquement dans les têtes.
Ce côté-là est très réussi.
Mais je trouve que le film a de gros défauts aussi : l'ambiance quasi féerique s'accorde bien avec cette paix impossible hors du réel, mais elle va parfois trop loin, en particulier avec cette histoire de ténor allemand dont la campagne, chanteuse, obtient l'autorisation de venir sur le front. C'est la seule « erreur » historique que je regrette car elle n'était, à mon sens, pas nécessaire. Le décor fait trop décor, la lumière fait trop artificielle, ça ressemblerait par moments à un parc d'attractions... c'est un peu dommage, même si je le répète, je comprends que l'on puisse justement y voir cette ambiance magique et impossible. Ce n'es pas mon cas.
D'autre part, quelques péripéties plus personnelles arrivent aux personnages mis en avant, histoire de dramatiser les choses, mais je ne les trouve pas nécessaires non plus. Un peu maladroite l'histoire de cet Ecossais dont le frère a été tué la veille et qui ne parvient pas à faire mentalement la paix avec les Allemands. Un peu abusée la tentative du personnage de Dany Boon pour aller voir sa mère au-delà des lignes allemandes, et l'épilogue de cette tentative fait un peu trop symbolique... carrément lourde par moments l'idylle désespérée du ténor et de sa belle...
Bon, à voir quand même, mais c'est un peu dommage, sur un sujet aussi peu/mal évoqué (et qui me tient à fond à cœur), j'aurais vraiment attendu quelque chose de plus... différent, éventuellement avec une réalisation un peu moins bateau !