Les frères Fleischer font partie de la légende de l’animation. Créateurs de Koko le clown, Betty Boop ou encore Popeye, ils ont fait preuve d’une grande innovation dans les années vingt, tant dans la réalisation de films d’animation en terre que du mélange animations-prises de vue réelles. Principaux concurrents de Disney sur les courts-métrages, ils finissent néanmoins par faire faillite et s’associent avec la Paramount qui rêve d’affronter le studio dominant sur les longs métrages et bave devant les chiffres astronomiques de Blanche Neige sorti deux ans auparavant.

Le résultat de cette envie sera Les Voyages de Gulliver, 18 mois de travail dans les tout nouveaux studios de Miami d’après l’œuvre magistrale de Swift dont on ne retiendra pour l’occasion que la partie des versions pour enfants, la visite chez les Lilliputiens, qui appartient à l’imaginaire collectif.

Comme chez Disney, les personnages sérieux sont bien moins réussis que les trublions secondaires, les animaux et les décors. On retrouve heureusement toute la maîtrise dans le gag et l’animation qui fait le prix des courts des frangins terribles.

Malheureusement, il ne suffit pas d’adapter un chef d’œuvre et de lui rajouter trois chansons mièvres pour avoir une histoire qui tient la route. Bien loin de la perfection narrative et formelle de son concurrent d’alors, le studio propose avant tout des petits moments merveilleux noyés dans un cadre trop grand pour eux. De là, la désagréable impression de retrouver tout ce qu’on adore dans leurs petits formats sans jamais avoir l’impression de passer à la vitesse supérieure.

Cela explique peut-être son échec à la sortie et le relatif oubli dans lequel il est plongé depuis, mais ça ne le justifie en rien. Maladroit de forme (un Gulliver raté) comme de fond (niais et anecdotique), le film reste un véritable petit bijou d’animation et de drôlerie dans ses meilleurs moments : le trio d’espions, le saucissonnage du géant, les jeux de mains, la découverte du village et du crieur public… et demande absolument à être enfin redécouvert. J’ai découvert empiriquement que la toute nouvelle génération était loin d’être insensible aux œuvres précédentes des Fleischer, aucune raison qu’elle ne les suive pas ici une fois de plus, histoire de se nettoyer les yeux après quelques dégueulasseries en images de synthèses dont on l’abreuve trop souvent…
Torpenn
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le 2 nov. 2012

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