Clinique, méthodique, horrifique
Le fantastique à la française a le mérite de la rareté. Les yeux sans visage en propose une exploration singulière et franchement réussie.
Le film se construit comme la conquête d’une image qui se dérobe dans toute sa première partie, celle du fameux visage. C’est d’abord celui du cadavre à l’arrière de la voiture, occulté par un chapeau dans une longue séquence de nuit, silencieuse et laborieuse, où l’on traîne un corps inerte avant de le jeter à l’eau. C’est ensuite celui de la protagoniste, longuement prostrée sur son oreiller, et qu’on finit par masquer. C’est enfin celui de la victime, qu’on regrette d’avoir vu trop tôt au vu de la mutilation qu’il va subir, longue et clinique, frontale et méthodique lors de sa décollation chirurgicale.
Cette quête se dédouble dans celle des personnages principaux, le médecin et son assistante. A la recherche du visage parfait, lumineux, jeune et féminin, ils modifient le leur qui porte désormais le masque de la folie froide.
On pourra reprocher aux personnages secondaires de manquer quelque peu de chair et de substance et au récit sa linéarité.
Dans une photographie très étudiée, un noir et blanc brillant et nocturne, par un travail d’une bande son soignée (notamment par le motif récurrent des aboiements du chenil, annonce tragique de dénouement) le film prend le parti de séquences privilégiant l’image sur le discours. On ne peut s’empêcher d’ailleurs de penser à Psycho, paru la même année, lors de la montée des escaliers de la demeure, lieu tout aussi unique et étouffant.