On ne saurait par où commencer pour évoquer ce film magnifique tant il nous transporte dans des univers différents. La beauté des images est immédiate. On pourrait être dans une cour d'immeuble de New York dans les années 70 autant qu'à Leningrad au début des années 80. La langue nous plonge vite dans la société soviétique finissante. On pénètre dans un ancien palais tsariste reconverti en salle de concert de rock dans laquelle chaque geste, chaque parole, sur scène ou dans le public, sera contrôlé par des employés de la censure. L'atmosphère mélancolique plane grâce à la caméra qui survole les lieux et les personnages avec une légèreté virevoltante. La musique nous porte vers les mondes disparus. Non la jeunesse soviétique n'était pas celle qu'on nous a racontée en Occident. Les jeunes russes vivaient les mêmes émotions qu'ailleurs, ses acteurs vibraient sur les mêmes mélodies. Leurs idoles étaient Bowie ou Lou Reed. Comme eux, ils vivaient des "jours parfaits" au bord de plages désertes ou au coin d'une cabine téléphonique sous la pluie. Les deux rockeurs russes ne cherchaient pas à copier leurs dieux du rock, leurs passions construisaient leurs vies et enchantaient leur quotidien dans leurs chambres d'appartements communautaires. Rien ne semblait triste à cette époque de la vie où la musique transformait chaque jour en une scène féérique. Ainsi prendre le tramway dans une rue grise de Leningrad ou encore un train rempli de gardes du KGB pouvait se transformer en un rêve utopique où chacun pouvait s'échapper par la force de la musique. Ce film illustre à merveille ces réflexions de Truffaut à qui on demandait pourquoi il faisait du cinéma, "c'est parce qu'on n'est pas satisfait de nos vies". Le réalisateur réussit à réenchanter la vie de ses idoles et par contagion, on partage leurs rêves, leurs amours.
On est bien au delà des discours idéologiques pro ou anti-Occident. Serebrennikov montre que les jeunes russes sont des jeunes tout court. Mike recopie sur un cahier d'écolier les paroles de son chanteur préféré comme n'importe quel jeune a pu le faire ici pou ailleurs. La belle Natacha rêve d'histoires d'amour comme avant elle Emma Bovary, toutes deux aux prises avec les mêmes désillusions. Les trio amoureux se retrouvent autant à Leningrad dans les années 80 que dans les films français de la Nouvelle Vague. Jules et Jim en Russie s'appellent Mick et Victor, tous deux souffrent et aiment comme dans les plus beaux mélos. On traverse l'écran, on retrouve l'éternité dans la mer mêlée avec le soleil, en Russie comme en Rimbaldie. Qu'il est bon de se laisser porter dans des bras si légers...

Mahlea
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le 9 déc. 2018

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