Une guerre interminable : c'est le titre de la série que la romancière Almudena Grandes a consacré à la guerre d'Espagne et dont le quatrième tome : Les patients du docteur Garcia, est paru au début de 2020 dans sa traduction française. Hasards du calendrier : le nouveau film d'Alejandro Amenabar, intitulé Mientras dure la guerra (Lettre à Franco) lui succède un mois plus tard, sur les écrans. Les fantômes du franquisme ne disparaitront pas de sitôt en Espagne mais il est évident que le film, des dires mêmes de son réalisateur, se veut aussi et surtout un avertissement pour aujourd'hui, devant ce qu'il considère comme un manque de discernement et de lucidité vis-à-vis de la montée du péril fasciste, en Europe, notamment. Pour ce qui est du film lui-même, les admirateurs d'Amenabar risquent une forte déception devant une œuvre à la reconstitution certes chiadée mais plutôt académique dans sa réalisation, voire même terne, à l'image de la sombre période qu'il décrit. Il est pourtant passionnant, menant deux récits en parallèle qui se croisent à plusieurs reprises, en particulier lors d'une scène remarquable à l'université de Salamanque. Toute la description des luttes d'influence à l'intérieur de la junte militaire, qui est à l'origine du soulèvement contre le pouvoir républicain et a lancé la guerre civile, a été rare jusqu'alors au cinéma. Le personnage de Franco, loin d'être le plus charismatique ou le plus bravache, apparait en revanche comme le plus matois, c'est certain. Lettre à Franco donne cependant la vedette à Unamuno, écrivain et philosophe célébrissime à l'époque, dont la candeur intellectuelle voire l'adhésion initiale à l'action des militaires va peu à peu évoluer vers davantage de clairvoyance. Même si les historiens espagnols ne se sont pas privés de relever les nombreuses erreurs historiques du film, tout dans Lettre à Franco semble extrêmement écrit et calculé, ne laissant que rarement sourdre l'émotion. Il peut être critiqué pour cela mais la facture du film est impeccable, et ne peut que susciter l'intérêt de ceux qui vouent une grande curiosité pour cette période précise. Quitte à engager ensuite le débat sur une vision de l'Histoire qui ne fera pas l'unanimité.