Hiroyuki Okiura a eu une carrière d'intervalliste puis d'animateur-clé très remplie, au milieu de laquelle trônait longtemps un film conçu en tant que réalisateur. Jin-Roh (1999) est un opus décalé par rapport aux pontes de la Japanim et avait suffit pour faire d'Okiura un nom reconnu parmi les réalisateurs dominants, quelques foulées derrière les saints-patrons comme Satoshi Kon (pour lequel il collabore sur Paprika en 2006) ou Miyazaki. Son retour derrière la caméra constitue une énorme déception, car Okiura est sorti du bois et a travaillé pendant sept ans pour un film d'animation des plus typiques et anodins.
Lettre à Momo suit le fil le plus couramment emprunté par l'animation nippone 'de prestige' et largement exportée, c'est-à-dire le parcours d'une adolescente anxieuse, venue d'une grande ville (Tokyo cette fois) emménageant avec sa mère à la campagne, apprenant la confiance en soi et résolvant ses conflits de famille en se frottant à des personnages fantastiques. En l’occurrence, ce sont trois créatures invisibles sauf à ses yeux, squattant les lieux pour une mission obscure : trois yōkai (catégorie courante au cinéma, tirée du folklore japonais), sortes de fripons jouant les intermédiaires entre la Terre et le Ciel, peut-être pour se faire pardonner leur abus de légèreté. L'un se coltine une tête d'aliéné heureux, surprenant ponctuellement par ses démonstrations d'omniscience, l'autre joue les antisociaux avec sa tête de béluga, puis un dernier se montre plus pragmatique et sûrement blasé par ses propres farces. C'est dommage, elles auraient égayée cette séance, lente bien sûr mais surtout proche de l'immobilité (aucun rebondissement sérieux à l'horizon, sauf à l'heure des conclusions).
La petite ne réalise qu'au bout de trois quarts d'heure du film que sa mère et la quasi intégralité des gens ne voient pas ses compagnons. L'expressivité des personnages est très réduite sur tous les plans. Les concepteurs ne réussissent pas à animer leurs personnages, ou trop peu. Ils essaient bien de placer quelques drôleries et excentricités, mais passé l'apparence, il n'y a plus rien à prendre ni à donner (à part les faire danser pour envoûter les bébés). Lettre à Momo sent le film 'de papier', impuissant à se mettre debout, sans allant ni ressorts. Il a des qualités esthétiques (et quelques décors ravissants), mais leur soin s'arrête à l'exécution pure, le goût est trivial et aligné. Quelques rares moments kawaii ou des accélérations sont à noter, le passage des bébés sangliers étant le climax pour ces deux pôles. Sur la fin le métrage se justifie en faisant du vent sur le deuil et la séparation précoce d'avec les parents. À l'arrivée Momo s'avère un rejeton falot de tout ce qui a pu graviter autour de Miyazaki, comme les œuvres du fils Goro, ou celles de Yonebayashi (Arrietty et Marnie). Okiura livre un film aussi mielleux que du Hosoda (La traversée du temps, Summer Wars), en nettement moins crispant mais pour des raisons en sa défaveur (moins d'ambition, d'imagination, d'énergie, de gadgets).
https://zogarok.wordpress.com/2016/09/01/lettre-a-momo/