Il était enfin temps que je découvre celui dont les travellings ont été froidement copiés par Kubrick (comprenne qui pourra). J'aime de base les histoires d'amours contrariées, difficiles, impossibles. L'amour que cette jeune femme porte à celui qu'elle admire tant sans que celui-ci ne s'en rende compte a fait vibrer ma corde sensible. Il y a dans cette histoire quelque chose d'incroyablement tragique. Le fait de voir une vie entière détruite par un coup de foudre, ce sentiment assez superficiel dans le fond mais qui marque quelqu'un de façon indélébile. Sur le papier, j'aurais pourtant eu envie de baffer le personnage de Joan Fontaine. Mais c'est si bien écrit, si touchant. La définition-même du film porté par la grâce. J'ai adoré les instants de rencontre, cette tendresse, ces moments de vie brefs qui ne font qu'accentuer une passion déjà ardente. J'aime le fait que les lourdeurs typiques du mélodrame soient évitées. Je croyais totalement au film et à ses personnages. Il y a d'ailleurs beaucoup inattendu finalement dans ce film, ce qui le rend encore plus captivant.
En plus de proposer une histoire bouleversante, que dire de cette réalisation. Élégante, des plans somptueux dont la beauté est sublimée par cette photographie magnifique. La séquence dans la fête foraine est d'une beauté... Sans oublier le départ du pianiste à la gare, laissant cette femme seule dans des volutes de fumée. C'est là toute la beauté du cinéma, celle d'émouvoir par une simple image, une simple expression. Pourtant le film est bel et bien dramatique, et se déroule progressivement vers une issue que l'on devine fatale dès l'ouverture de la lettre de cette inconnue, porteuse du résumé d'une passion aussi puissante que destructrice. Un sommet du mélodrame, porté par des interprètes brillants et une mise en scène admirable.